Une histoire à dormir debout
Carine Lacroix a couché son écriture poétique et prophétique sur le papier pour offrir aux lecteurs une pièce d’anticipation. Une ambiance de science fiction qui n’est pas sans rappeler l’univers de l’excellent film d’Andrew Niccol, Time out, où les habitants les plus favorisés ont fait un pas vers l’immortalité, pendant que les autres doivent, littéralement, gagner du temps pour ne pas mourir.
ISO – Quand le jour coule de l’autre côté de l’hémisphère, la nuit me prend à part et me raconte ses silences. C’est pas ce que je préfère. Dès qu’elle peut, elle force mes paupières, s’enroule comme une liane et m’envoie au fond de son ventre noir. Tapis de pierre brûlée, cocons de velours sombre, trous d’eaux obscures. Son paysage n’a rien d’électrique, ni de moderne, ni de sage. Il est seulement vaste et désolé. Je pèse le poids d’une plume ou d’un fardeau. Sans consistance ou trop lourde. La nuit avale les boussoles. Les étoiles, c’est du pipeau. La nuit n’en a pas. C’est une illusion d’optique, un fantasme de rêveurs.
Crache ta bile et tes chimères.
Ce qu’on voit n’existe déjà plus.

L’Insomniaque nous plonge dans un monde futuriste, novateur dans le prisme théâtral, où la nuit devient l’espace de tous les possibles et où les protagonistes se retrouvent dans une convergence des luttes sans foi ni loi. Iso, jeune femme en quête de sommeil et qui enchaîne les nuits blanches pour mieux noircir son passé de récits, avance dans un no man’s land brumeux qui se dessine au fil des mots pour mieux s’effacer comme une carte mémoire défectueuse. De fantasmes en illusions d’optique, le lecteur se laisse bercer dans cette nuit sans fin qui laisse apparaître en filigrane un nouvel horizon prometteur.
L’Insomniaque de Carine Lacroix, Quartett éditions
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