Metteur en scène et Directeur du Festival des Francophonies de Limoges
Créé en 1984 par Pierre Debauche, alors directeur du Centre Dramatique National du Limousin, sous la direction de Monique Blin, son ancienne collaboratrice du Théâtre des Amandiers à Nanterre, le Festival de Limoges est reconnu depuis trente-six ans comme le point de rencontre des Francophonies du monde.
Hassane Kassi Kouyaté, depuis deux ans, est le directeur de la structure désormais appelée “Les Francophonies – Des écritures à la scène” . Avec le dynamisme et l’enthousiasme qui le caractérise, il ajoute de nouvelles zébrures à la mouture des Francophonies de cette année 2020. Les Zébrures du Printemps ont été annulées en raison du contexte sanitaire. Plus que jamais, les Zébrures d’Automne, avec ses onze créations, entre temps de musique et de danse, rencontres et débats sera un lieu de découvertes, de surgissements et de chocs provoqués par une langue française traversée par toutes les cultures et les autres langues du monde.

Hassane Kassi Kouyaté, comment se présente le Festival des Francophonies en cette année 2020 en pleine crise du coronavirus ?
Hassane Kassi Kouyaté : Pour moi, il était hors de question d’annuler les Zébrures d’Automne qui se déroulent à Limoges. La situation est certes difficile, mais 100 % de la programmation sera assurée.
C’est votre deuxième année en tant que directeur des “Francophonies – Des écritures à la scène”, il semble que le festival revienne à ses premières amours en laissant une large place aux artistes venus d’Afrique, comment avez-vous construit la saison 2020 du Festival les Zébrures d’Automne de Limoges ?
Hassane Kassi Kouyaté : J’ai pris mes fonctions en janvier 2019, à la mi-saison du festival, cette année j’en assume pleinement les fonctions. “Les Francophonies – Des écritures à la scène”se partage en deux temps : Les Zébrures de Printemps qui s’organise autour des écritures et des auteurs et les Zébrures d’Automne autour de la scène. Chaque année valorise une partie du monde. Le Président Macron avait annoncé, lors de son voyage au Nigéria, que l’année 2020 serait consacrée à l’Afrique avec “Africa 2020”. La crise sanitaire a reporté cette manifestation qui se déroulera de décembre 2020 à Juin 2021. Nous avons décidé de garder cette ligne éditoriale et de faire en sorte que le Festival les Zébrures d’Automne soit construit autour des créations et des artistes africains. Pour savoir où on est, il est important de savoir d’où on vient. Nous avons donc centré ce festival autour de trois thématiques : “Nos histoires” qui relaient les mémoires africaines et autres, en faisant renaître une Histoire négligée voire occultée, avec par exemple “Congo Jazz Band” la pièce de Mohamed Kacimi que je mets en scène ou “L’impossible procès” de l’Antillais Guy Lafages mis en scène par Luc Saint Eloy. Le deuxième pôle tourne autour des “transitions démocratiques” avec par exemple “Le syndrome de la pintade” la pièce de Smokey, mise en scène par Serge Aimé Coulibaly (Burkina Faso) ou “La tablée” qui revisite le Printemps Arabe en Tunisie. Le troisième volet enfin remettra en perspective l’immigration avec des pièces comme “La nuit sera calme” de Moïse Touré ou “Rhapsodie” (Gaël Octavia, mes : Abdon Fortuné Koumbha). La danse et à la musique mais aussi les marionnettes et le cirque offriront des spectacles autour de ces thématiques .
Après plus de trente années d’existence, qu’est-ce qui a changé dans les francophonies ? On dit que ce concept a aujourd’hui perdu de sa force, comment est perçue cette idée dans le paysage culturel actuel?
Hassane Kassi Kouyaté : On disait “la Francophonie” au départ , c’est devenu “Les Francophonies” et je me permets d’insister sur le pluriel. En effet, Atiq Rahimi qui est afghan et écrit en français est-il francophone ou non ? On le dit francophile. Mais la francophilie est une coquetterie, il est francophone et c’est tout !

Le festival de Limoges a établi, depuis sa création, des liens qui perdurent avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ou les Instituts Français. Il est important de faire émerger à travers le monde des territoires et des artistes confirmés qu’on ne connaît pas en dehors de leurs pays. La francophonie c’est le mariage de la langue française avec d’autres cultures et d’autres langues à travers le monde. Le Festival de Limoges est là pour contribuer à ces émergences. C’est ainsi qu’ont été reconnus internationalement des artistes comme Dieudonné Niangouna qui vient de la République du Congo ou Guy Régis Junior, originaire d’Haïti. Des thématiques comme les revendications contre les guerres civiles ou la position colonialiste sont toujours d’actualité. Fanon affirmait que l’on ne devait pas être esclave de l’esclavage, mais cependant, sans être esclave de quoi que ce soit, on a un devoir de mémoire car on constate encore les effets pervers du colonialisme. Par exemple, dans certains villages reculés en Afrique ou ailleurs, des enfants ont des Kalashnikov qui viennent bien de quelque part, la bataille pour les ressources minières est aussi un fait du colonialisme…Les héritages sont à assumer dans leur globalité, d’où je pense, l’intérêt de revenir sur ces histoires pour les ré-assumer et les regarder autrement.
Vous êtes acteur, metteur en scène, vous avez été directeur du Théâtre de l’Atrium en Martinique, que vous apporte de plus votre fonction de directeur “Francophonies – Des écritures à la scène”?
Hassane Kassi Kouyaté : J’ai commencé par faire des études de commerce avant de faire du théâtre. Cette formation m’a ouvert à la gestion de structures. Aujourd’hui, ma fonction de directeur au sein des francophonies me donne la possibilité d’influer sur les décisions pour faire émerger d’autres courants artistiques. C’est un festival important que j’ai découvert en tant que spectateur dans les années 80. En devenir le directeur est un pas décisif dans mon parcours professionnel. Cela m’offre de nouvelles opportunités, notamment celle de défendre une création artistique et plus particulièrement théâtrale qui vient de tous les horizons francophones.
Plus d’infos sur la programmation du Festival des Francophonies de Limoges
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