Théâtrorama

Directeur de La Filature de Mulhouse – Festival Vagamondes

Par amour des chevaux, Benoît André envisageait une carrière de vétérinaire. Sa passion pour l’opéra et la découverte des Nuits de Fourvière en ont décidé autrement et désormais son parcours  l’inscrit dans la monde la culture. Après avoir commencé comme assistant à l’Orchestre National de Lyon, il pose ses valises successivement  à l’Opéra de Montpellier, dirige le Festival Automne en Normandie entre 2006 et 2010 et devient secrétaire général au Plais de Chaillot à Paris. Si la danse et la musique restent pour lui une priorité, le théâtre retient aussi toute son attention. Depuis janvier 2020, il es devenu le chef de bord de cette immense bateau qu’est La Filature de Mulhouse, une scène nationale où se déroule chaque année depuis……le Festival “Vagamondes” crée par Monica Guillouet-Gélys à laquelle il succède a lieu pour cette quatrième édition en numérique jusqu’au 31 Janvier 2021. 

C’est votre première année à La Filature de Mulhouse, comment cela se passe-t-il alors que nous sommes en pleine pandémie de Covid 19 ?   

Benoît André : Je suis arrivé quand la pandémie n’était pas encore là et j’ai construit ma saison 20-21 en tenant compte des reports en raison de la pandémie. Ce qui n’a pas été le cas de tous les programmateurs qui avaient déjà bouclé leur saison. J’ai été confiné à Mulhouse, ce qui m’a permis de prendre rapidement contact et de maintenir le lien avec les équipes de la Filature, tout en me positionnant sur un territoire que je ne connaissais pas encore très bien. La Filature est une Scène Nationale, mais avec un fonctionnement un peu à part au sein du réseau des scènes nationales en raison de multi-partenariats. Elle accueille l’Opéra National du Rhin et héberge aussi l’Orchestre de Mulhouse, une médiathèque et une galerie d’exposition. Nous avons aussi depuis 3 ans une classe préparatoire aux concours des écoles supérieures de théâtre pour 10 jeunes issus de la diversité socio-culturelle et de l’égalité des chances que nous avons eu à coeur de maintenir en dépit de la pandémie .  

Dans mes postes précédents comme le Festival de Normandie ou à l’Orchestre de Lyon, j’ai beaucoup travaillé sur la mixité des formes, sur le croisement des publics. La Filature existe depuis 1993, le bâtiment est dans un état parfait avec des espaces gigantesques en béton, métal et verre. Certains espaces encore à l’abandon laissent beaucoup de possibilités d’aménagement pour accueillir des bals, des ateliers… Ce qui pourrait permettre à d’autres types de publics de fréquenter le lieu.

Le festival “Vagamondes” existe depuis 4 ans. Quelle est la teneur du festival de cette année ? Comment envisagez-vous de le faire évoluer ?    

B.A. : Le festival a été crée à Evry par Monica Guillouet-Gélys et il est considéré comme un festival des Cultures du Sud. Dans un premier temps, je n’ai pas voulu opérer de bouleversements dans la programmation de ce festival bien repéré par le public de Mulhouse. 

Cette année le festival a invité des artistes issus des pays du bassin méditerranéen, même si tous les pays ne sont pas représentés. 

Mon choix s’est porté sur des artistes pour lesquels la notion de frontière s’inscrit dans le travail , et de susciter des rencontres entre artistes d’origine différente. C’est ainsi que j’ai proposé à Rocio Molina qui vient d’Italie et que je connaissais de travailler avec des musiciens palestiniens. Cela traduit ainsi de manière diverse les notions d’exil, de migration, d’accueil ou de refus d’accueil que l’on retrouve dans de nombreux spectacles. Cela nous a permis de tirer des fils intéressants entre pays comme le Maroc et la France par exemple, mais aussi des fils trans-générationnels  dans d’autres spectacles. Aujourd’hui le festival comporte des spectacles, des tables rondes mais aussi des films diffusés en partenariat avec Arte.

Ce festival est fondé sur une logique de rencontres, de dialogues et d’échanges au sein des Cultures du Sud. Pour l’avenir, il me semble qu’il offre aussi des possibilités d’aller vers de nouveaux horizons. Beaucoup d’artistes contribuent à notre vision du monde en abordant des sujets qui font débat dans notre société notamment les notions de frontières non seulement les frontières géographiques qui séparent et relient, mais aussi toutes les autres frontières symboliques : les frontières trans-générationnelles, celles entre le virtuel et le réel, le masculin et le féminin…Ce que je souhaite, c’est que ce festival continue à être un lieu de débat et sans renoncer aux cultures du Sud, je souhaite peu à peu qu’il s’en affranchisse pour élargir ces notions de frontières.

Pour cela, j’ai essayé de faire un mix entre ce qu’était le festival avant et ce qu’il sera après en ouvrant d’autres questionnements. L’édition de cette année est très tournée vers la Méditerranée, le fil rouge parle de l’exil, du voyage… l’édition prochaine portera davantage sur la position de l’homme dans son environnement, sur les risques encourus par la planète…Certains spectacles abordent déjà des thématiques autour de l’humain, l’animal et le virtuel. 

En raison de la pandémie, cette année les spectacles seront diffusés sur le web, quelle logistique à été mise en place?

B.A. : Quand on a compris à la mi-décembre que les salles n’ouvriraient pas, toutes les équipes se sont mises en ordre de bataille pour transformer “Vagamondes” en festival numérique. On a travaillé selon plusieurs axes de travail : identifier les spectacles en création pour maintenir la venue des artistes à la Filature et dont on pouvait filmer le travail ici. On a trouvé les moyens de production pour filmer les spectacles dans de bonnes conditions, identifier les spectacles qui possédaient déjà des captations de bonne qualité et les rediffuser. On a pu ainsi maintenir 13 spectacles sur les 16 prévus au départ. L’ensemble de la programmation spectacles est accessible progressivement sur le web. Ce qui fait que 90% de la programmation du festival a pu être maintenue.

Les tables rondes, les moments de débats ont été également filmées, le studio Arte nous a permis de le faire dans de bonnes conditions. Le partenariat avec Arte nous permet un rendu de bonne qualité des films en digital, avec une mise en ligne progressive plutôt en fin de semaine et un étirement du festival jusqu’au 31 Janvier.   

Grâce à ces initiatives, on a réussi à maintenir la relation avec les publics et on a clairement marqué des points dans l’environnement culturel de  la région Grand Est avec les aides importantes de la région. 

Après presqu’un  an sans spectacles, il fallait que ce lien puisse exister sans que ce maintien soit trop offensif pour ne pas mettre les personnes en risque car la région Grand Est a été très marquée par la pandémie. Les résultats sont très encourageants. À la mi-festival, on a dépassé les 7000 spectateurs sur le web, alors que la fréquentation habituelle au théâtre est de 6000 spectateurs. Le bilan sera positif de ce point de vue. J’ai pu constater aussi le retour d’une sorte de joie au sein des équipes de la maison avec la venue des artistes. Les équipes ont exercé à nouveau leur métier en y retrouvant du sens. 

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