Théâtrorama

25 comédiens dont 4 musiciens, la pièce d’un auteur antillais qui parle de l’Afrique des années 60 et qui dure pas loin de trois heures. Il faut être sacrément gonflé pour proposer une telle aventure en ces temps de disette culturelle.

C’est le pari que Christian Schiaretti a tenu en présentant la pièce d’Aimé Césaire « Une saison au Congo » créée d’abord au TNP à Villeurbanne et programmée sur la scène des Gémeaux à Sceaux (92). Nous sommes au Congo belge en 1958 lorsque la pièce débute. C’est une période d’effervescence qui va mener le pays à l’indépendance. Une fois celle-ci acquise, se font jour les oppositions et les diverses pressions pour l’acquisition d’une parcelle du pouvoir. Les colonisateurs, qui semblent avoir quitté la scène politique, attisent les dissensions dans l’ombre.Ils tentent de conserver le pouvoir économique au besoin en encourageant la sécession du Katanga, une des provinces congolaises. Patrice Lumumba, nommé Premier Ministre, dénonce ces malversations. L’atmosphère de liberté et de luttes politiques fiévreuses pour la conquête de l’indépendance, puis l’ascension de Patrice Lumumba, sont le sujet de la pièce de Césaire.

Lumumba ou la révolution prophétique
La pièce de Césaire est dense, parfois compliquée à suivre, pourtant la mise en scène de Schiaretti la rend claire, sans pour autant tomber dans le démonstratif. Partant de la réalité de ce pays de guingois, soumis au colonisateur et peu reconnu par les instances internationales, prêt à tout instant à sombrer dans le chaos, loin de s’appesantir sur l’analyse qui sous-tend la pièce, il met en scène la rue africaine qui représente un soutien sans faille pour le révlutionnaire prophétique que fut Patrice Lumumba.

L’organisation de l’espace joue un grand rôle dans la mise en scène de Schiaretti. Elle détermine des espaces intérieurs où se prennent les décisions politiques, un espace extérieur où se déroulent les activités du peuple et surplombant le tout, l’espace du pouvoir, celui des colonisateurs et des nouveaux politiques. Il met en scène aussi une sorte de « hors-espace » d’où on peut observer sans être vu et à partir duquel s’organisent les entrées et les sorties.

Le jeu se concentre sur un cercle tracé au centre de la scène et dans lequel chaque séquence qui se déroule en intérieur trouve sa place avec un minimum d’accessoires. L’espace devient tout à tour une prison, le siège de l’ONU, le bar de Mama Makosi où se réunissent Lumumba et ses amis, le siège du gouvernement…En dehors de ces moments, la scène est organisée en une joyeuse pagaille et rend compte sous forme chorale du grouillement de l’Afrique. C’est la rue qui discute, qui s’engueule, qui raille, qui chante,qui danse et où la bière,ingrédient indispensable pour asseoir le pouvoir économique des anciens et nouveaux dirigeants, coule à flots . Perdus au milieu de la foule africaine, les blancs se signalent par leur arrogance et leur cynisme.

Jouant sur la chœur, le duo ou les petits groupes, Schiaretti double la scène en l’organisant de façon à y inclure la salle. Toute action se traduit par le mouvement souvent organisé autour du personnage de Lumumba, campé par Marc Zinga, un jeune comédien belge, littéralement habité par son personnage et qui le traduit jusque dans les postures et dans la voix. Fragile et impétueux, impulsif et réfléchi, toutes les nuances du caractère de Lumumba se traduisent dans le corps du comédien et infléchissent l’ensemble du jeu des autres comédiens. Une respiration commune, un jeu organique portent la pièce sans que le rythme ne fléchisse en près de trois heures de spectacle.

La force de cette mise en scène vient avant tout de celle du collectif qui a réuni des acteurs venus de tous les horizons, de France, de Belgique et d’Afrique, composé de comédiens chevronnés et de comédiens en formation. La pièce est certes touffue et difficile à monter, mais lorsqu’un spectacle est porté avec cet enthousiasme, lorsqu’il sait utiliser à ce point la richesse de toutes les cultures , lorsqu’en outre des scènes nationales ont le courage et se risquent à le produire et à le programmer, alors on peut rester optimiste et se dire que malgré ces périodes de vaches maigres, tout peut encore arriver dans le spectacle vivant !

[note_box]Une saison au Congo
De Aimé Césaire
Mise en scène : Christian Schiaretti
Dramaturgie : 

Da¬niel Maxi¬min
Musique originale : Fabrice Devienne


Durée : 2h40
Avec Marc Zinga (Lumumba), Joëlle Beli Titi, Va¬lé¬rie Be¬linga, Pa¬terne Boun¬gou, Mwanza Gou¬tier, Mar¬cel Man¬kita, Bwanga Pi¬li¬pili, Marc-An¬toine Vu¬mi¬lia Mu¬hindo, Ma¬rius Ye¬lolo


-Des comédiens de la troupe du TNP de Villeurbanne : 
Oli¬vier Borle, Clé¬ment Ca¬ra¬bé¬dian, Maxime Man¬sion


-Des comédiens de la maison des comédiens du TNP : 
Sté¬phane Ber¬nard, Phi¬lippe Vin¬ce¬not


– Les comédiens du Collectif burkinabé Béneeré 

Mbile Yaya Bi¬tang, Sa¬fou¬rata Ka¬boré, Em¬ma¬nuel Ro¬tou¬bam Mbaide, Aris¬tide Tar¬nagda, Ma¬ha¬ma¬dou Tin¬dano, Charles Wat¬tara

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