Stadium et ola
Mohamed El Khatib est décidément un drôle de zozo ! Pendant une année, pour écrire Stadium, son dernier spectacle il s’est immergé auprès des supporters du RC Lens qui est, dit-on de source sûre, le meilleur public de foot afin de le confronter le public de théâtre. 90 minutes, le temps de deux mi-temps avec une pause de 15 minutes et arrêt obligatoire à la baraque à frites montée sur la scène. Après le spectacle, troisième mi-temps bien sûr, avec fanfare et ola, histoire de renforcer les liens.
Des rituels de foot…
Qui peut dire de quoi est constituée l’entité « public » ? Constat : il n’existe pas, pas plus celui du théâtre que celui du foot, pas plus les spectateurs qui regardent le match devant leur télé que ceux qui hurlent dans les stades. Et pourtant, ce soir-là, autour des 58 personnes du RC Lens, il est indéniable que quelque chose s’est passé entre ces supporters transformés en acteurs et le public du Théâtre de la Colline. Délire en fin de spectacle.
…au théâtre-documentaire
Après Finir en beauté consacré au deuil de sa mère et Moi, Corinne Dadat qui laissait la parole à une femme de ménage gouailleuse, Mohamed El Khatib dans Stadium continue à recueillir la parole ouvrière. Témoignages filmés ou en direct sur la scène éclairés comme dans un stade. En filigrane, l’histoire d’un terroir dans leur paysage de corons.
Ils s’appellent souvent Kevin ou Tony comme dans les séries américaines, mais aussi Yvette, Robert ou Francis. Toutes générations confondues, de 85 ans à 8 ans, ils se transmettent de père en fils ou en fille, de grand-mère à arrière petits-enfants, leur passion du foot. Ils ont fait du rouge et or leurs couleurs préférées puisque ce sont celles de leur club, le RC Lens. Ils connaissent tous par cœur leur rôle au sein de ce collectif qui se comporte sur les stades comme un seul corps, uni dans la ferveur ou le coup de poing, au sein de rituels précis.
Confidences en corner
Très présent dans ses spectacles précédents, Mohamed El Khatib intervient peu dans celui-ci et se contente d’apporter des précisions dans le jeu ou le questionnement. Certains ont reproché à ce spectacle de livrer le portrait sans nuances d’une communauté. Pourtant, c’est en restant au plus près de la description du rôle de supporter que naissent les confidences, que surgit la misère sociale ou politique. C’est en décodant ces rituels parfaitement réglés : chants, tifos, choeur… et en la mettant en scène selon une dimension chorégraphique et plastique précise, que Mohamed El Khatib met à jour les tensions existant entre le groupe et l’individu, entre passion et vie privée. Du blues de la pom-pom girl ou de la mascotte aux confidences du supporter à la vie personnelle en miettes en raison de sa passion pour le foot, du récit des coups pris ou reçus, chaque supporter donne en creux, avec discrétion et dignité, un aperçu de ce qu’il est au sein de la communauté et/ou dans son intimité.
Ici, les enjeux chers à la dramaturgie théâtrale ont volé en éclats, la fable se compose d’une myriade de micro-témoignages qui finissent à la fin du spectacle par réunir public de foot et public de théâtre. Dans l’émotion partagée de La chanson des corons entonnée à pleine voix par le chœur des supporters ou dans l’image finale de cet homme seul au centre du plateau qui brandit fièrement le drapeau de son club sur un air de Vivaldi. C’est la ferveur qui anime ces corps le temps de cérémonies parfaitement ritualisées pour raconter la fierté d’un pays de mines à la rudesse chaleureuse.
Stadium
De Mohamed El Khatib / Collectif Zirlib
Conception et Réalisation : Mohamed el Khatib & Fred Hocké
Environnement visuel : Fred hocké
Environnement sonore : Arnaud Léger
Collaboration artistique : Violaine de Cazenove, Éric Domeneghetty, Thierry Péteau
Avec 53 supporters du Racing Club de Lens- Vu à Paris au Théâtre de La Colline
Crédit photos : Pascal Victor Art com Press
Tournée 17¬/18
Avec le Festival d’Automne à Paris
12 oct. 2017 : Théâtre de Saint-Germain-en-Laye
13 oct. 2017 : Théâtre de Chelles
14 oct. 2017 : Théâtre de Tremblay
10 nov. 2017 : L’Avant-Scène/ Théâtre de Colombes
16 & 17 nov. 2017 : Théâtre de Beauvais
Et aussi
24 & 25 nov. 2017 : Festival Mettre en scène, TNB Rennes
26 nov. 2017 : Scènes du Golfe, Vannes
1er fév. 2018 : Esp. Malraux, Joué-les-Tours / en co-accueil avec CDN Tours
2 fév. 2018 : Centre Dramatique National Tours
3 fév. 2018 : Scène Nationale Orléans
16 & 17 mars 2018 : Scène Nationale Châteauvallon
10 au 14 avr. 2018 : Le Grand T, Nantes
26 mai 2018 : Pôle culturel Alfortville
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