Jeux interdits…
Une île déserte devient le terrain de jeux d’une dizaine de jeunes garçons, seuls rescapés d’un accident d’avion, pendant la deuxième guerre mondiale. Livrés à eux-mêmes et libérés du carcan des conventions sociales, la loi du plus fort devient bientôt la seule règle, introduisant le crime comme un jeu qui aurait ma tourné…
Ils étaient pourtant bien éduqués les petits robinsons britanniques, arborant fièrement les écussons de leurs collèges. Elevés à coup de valeurs honorables, censées leur donner de bonne base dans la vie. Quand ils découvrent leur abri de fortune, ils ont l’enthousiasme des enfants qui trouvent leurs cadeaux de Noël au pied du sapin. La période de l’innocence un peu gauche de pré adolescent va vite laisser la place à la logique du chef de meute qui cherche à dominer le groupe. Et quand deux chefs de meute se dessinent, dans les personnalités de ces êtres en devenir, l’île paradisiaque se transforme vite en piège à loup.
On aurait pu croire pourtant que la nature adoucit les moeurs, surtout quand elle est prodigue et plutôt accueillante. La pièce commence comme un Paul et Virginie humoristique, avec le charismatique Raph, l’archétype de l’ado populaire, et le petit myope asthmatique, surnommé Piggy, qui a certainement derrière lui un lourd passé de souffre-douleur des bacs à sable. Ça se titille, ça se charrie, mais ça cherche surtout à s’entre aider pour survivre. En soufflant dans une conque, Raph, sans le vouloir bat le rappel des autres miraculés de l’accident. Une poignée de gamins endimanchés débarquent, avec leur chef de choral, Jack, qui espère bien profiter de la situation inédite pour attraper au vol de ses prétentions les rênes du pouvoir. Tous les préceptes de civilisation appris volent en éclat pour recomposer une société anarchique qui mène à la violence…
Les enfants terribles
L’île constitue un parfait microcosme qui délimite les champs d’une expérimentation sociologique. Sans règle pour mettre un peu d’ordre, les enfants glissent progressivement vers une sauvagerie, qui rime avec l’ivresse d’être affranchi de l’autorité des adultes, pour tomber progressivement dans la barbarie. Le groupe se soude pour stigmatiser les plus faibles jusqu’au crime. Le groupe est une force vive, dirigée par un chef qui dicte sa loi. La quête du pouvoir mène à l’aveuglement et à l’instinct du chasseur qui réclame de faire couler le sang. Le monstre que les gamins croient apercevoir, comme une terreur de l’enfance qui resurgit avec ses peurs du noir, se mue en peur de l’autre. Et la peur engendre la haine qui entretient la violence. Le monstre allégorique ce n’est autre que l’homme et il est tapi en chacun de nous. La scénographie abstraite qui fixe l’île dans une gigantesque piste de skate-board en bois, agrémentée d’un mur d’escalade, d’un bac à sable qui symbolise la plage et d’un bac à eau pour la mer, permet aux comédiens de donner vie à cette île en nous la faisant voir à travers l’imagination des jeux d’enfants qui transforment un bout de bois en arme.
Plus les enfants basculent dans l’horreur, plus l’île se fait violente grâce aux effets judicieux de lumières. Pendant que le texte reste toujours celui de l’enfance et du jeu, le langage corporel monte progressivement en puissance. Les corps s’excitent de liberté, s’agitent d’animalité, jusqu’à entrer en transe dans le rite qui mène au meurtre. Les comédiens se font acrobates, équilibristes, danseurs célébrant la cérémonie de la chasse. Le corps, étriqué dans son costume d’écolier modèle, se libère et se dénude, pour assouvir son besoin de bestialité. Les comédiens maintiennent une énergie et un rythme constants qui captivent le spectateur. Une énergie canalisée par une mise en scène millimétrée qui met en valeur chacun des personnages. Ned Grujic s’amuse avec l’espace et les corps, comme s’il reculait à chaque scène un peu plus les limites de l’interdit jusqu’au point de non retour qui mène les personnages à la frontière de la folie collective. Les bêtises de ses mioches amusent et attendrissent (mention spéciale pour Alexandre Letondeur, dans le rôle de Piggy, irrésistible de drôlerie et de fantaisie). La jeune troupe de comédiens a réussi le savant mélange de savoir jouer aux enfants sans en forcer le trait pour servir une histoire d’une étonnante modernité.
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Sa majesté des mouches
De William Golding
Mise en scène de Ned Grujic
Avec : François Berdeaux, Sébastien Bergery, Emmanuel Leckner, Alexandre Letondeur, Thomas Marceul, Laurent Maurel, Frantz Morel-A-L’Huissier, Laurent Paolini, Romain Puyuelo, Thierry Sauzé, Guillaume Ségouin
Scénographie de Danièle Rozier
Costumes de Erig Le Goff
Lumières d’Antonio de Carvalho, assisté de Véronique Guidevaux
Au théâtre 13 du 06 janvier au 15 février
103A, bd Auguste Blanqui, 75013
Le mardi, mercredi et vendredi à 20h30/ Jeudi et samedi à 19h30/ Dimanche à 15h30
Réservations : 01 45 86 62 22
http://www.theatre13.com/
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J’ai vu dernièrement la pièce « Sa Majesté des mouches ». J’étais curieuse de voir comment le roman de William Golding allait être adapté au théâtre. J’ai beaucoup apprécié la mise en scène et je suis d’accord avec la critique d’Ange Lise : les comédiens maintiennent vraiment une énergie et un rythme constants ! Merci pour votre site qui fait découvrir en profondeur un grand nombre spectacle.
Spectacle génial que Sa Majesté des Mouches
Les comédiens sont plein d’enthousiasme, d’énergie, on est transportés par eux, par la mise en scène. Excellent moment. De plus, j’ai emmené trois jeunes de 14 ans qui ont été enchantés.