Roukiata Ouedraogo – Je demande la route
Roukiata Ouedraogo semble encore étonnée de son parcours atypique qui l’a conduite de son Burkina Faso natal aux planches des théâtres parisiens. Arrivée en France dans les années 90, elle exerce divers métiers avant de rejoindre le cours Florent où elle obtient son diplôme en art dramatique. Aujourd’hui, chroniqueuse à la radio France Inter, autrice et surtout comédienne, d’un spectacle à l’autre, elle confirme son talent. Après avoir incarné Yennega, une de figures mythiques de la culture burkinabé, affirmé son aptitudes d’actrice comique avec Ouagadougou pressé, elle continue à creuser le sillon du rire avec Je demande la route, une pièce co-écrite avec Stéphane Éliard qui assure avec elle la mise en scène.
Dieu est grand, mais le blanc n’est pas petit…
Sur un plateau nu, à peine éclairé par une lampe que l’on transporte, elle arrive et le sourire triomphant elle annonce qu’elle a 8 ans, qu’elle vit dans un petit village et que ce jour-là à l’école, elle a récité Le corbeau et le renard. Le ton est donné. C’est le grand sourire de la comédienne qui se transforme en rire tonitruant, qui, du début à la fin, illumine le spectacle. Les mots, les anecdotes font naître des paysages, des voisins et une famille haute en couleurs, les klaxons des voitures, les copains à l’école…et surtout les accents et la chaleur d’uneAfrique magnifiée par la magie de l’enfance.
Dans cette enfance prise en charge par tout un village, chaque personne qui peuple la vie de la petite fille se transforme en personnage de théâtre, avec ses tics, sa façon particulière de s’exprimer. Dans cette Afrique ou « Dieu est grand, mais où le blanc n’est pas petit », surgit cette envie d’ailleurs, ce moment où il faut demander la route. Demander la route dans le monde de Roukiata Ouedraogo, c’est demander l’autorisation de partir, mais avec la bénédiction des personnes que l’on doit quitter.
C’est alors le départ pour ce pays où « le froid donne la chicotte », la France où personne ne l’attend. Avec une verve qui ne se dément pas, avec une acuité et parfois une rosserie assaisonnée par l’humour, Roukiata Ouedraogo décrit son insertion dans le quartier de Château Rouge, capitale, dit-elle, de l’Afrique à Paris. Elle découvre alors que dans ce pays, pour certaines personnes, elle peut ressembler au visage de la peur, parce qu’elle est femme, noire et africaine. Le rire se trouve parfois au bord des larmes, mais le salon de coiffure où elle travaille, au sein de la diaspora africaine, devient une « pause au pays en plein Paris » devient un nouveau poste d’observation du monde. Le regard reste toujours aussi malicieux, mais la distance avec le pays d’origine est l’occasion de pointer ce que l’on tait là-bas : l’excision des petites filles, la solitude de la migration, les différences culturelles qui se teintent parfois de racisme dans le pays d’accueil. Porté par une comédienne débordante de générosité et de pudeur, le spectacle prend ainsi la forme d’un voyage initiatique. C’est une pause chaleureuse, en pays de soleil, en plein cœur de l’hiver.
Roukiata Ouedraogo
Je demande la route
Texte & Mise en scène : Stéphane Eliard & Roukiata Ouedraogo
Collaboration artistique : Ali Bougheraba
Crédit photos: Fabienne Rappeneau
Jusqu’au 24 avril, les mercredis à 21 h au Théâtre de l’Oeuvre
Tournée 2019
Cornillon (13) le 2 mars
Ste Geneviève des Bois (91) le 8 mars
Villeneuve St Georges (94) le 15 Mars
Palaiseau (91) le 25 mai
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