Théâtrorama

Ressacs

Un raz-de-marée du rire pour un théâtre d’objets en vogue. Le couple est un microcosme qui va de naufrage en sauvetage en se laissant entrainer par le courant.

Un tsunami de fantaisie est présent au Festival mondial des théâtres de marionnettes avec Ressacs d’Agnès Limbos et Gregory Houben. A la fois comédiens et conteurs manipulateurs de leur monde miniature, les deux démiurges, qui ne se prennent pas au sérieux, animent un univers surréaliste reflétant une société de consommation qui part à la dérive. Poétique et drolatique, Ressacs embarque le public pour 1h15 qui passe comme un rêve.

La crise fait prendre l’eau au mariage qui vit « a terrible situation ». Plus de maison, plus de belle voiture, même plus de chemise. Heureusement, il reste le chien, enfin, pas pour longtemps. Les victimes de la débandade économique mettent les voiles sur un bateau, comme un radeau de la dernière chance à la recherche d’un nouveau monde. Mais même le bateau commence à prendre l’eau avec une entente amoureuse qui tend à s’effriter. Heureusement, la roue tourne (et elle aura tendance à tourner beaucoup). Ils posent l’ancre sur une île déserte, ou presque, qui leur permet de se reconstruire en renouvelant immanquablement les erreurs du passé, entre obsession du profit et lutte de pouvoir. A défaut de couler des jours heureux, ils finissent par toucher le fond en poursuivant leur quête de possession.

« Once upon a time… a couple… »
Ressacs-4-721x600Le refrain se répète tout au long de la pièce, comme un conte de fée déjanté qui marque un nouveau début de cycle faisant le point économique de la situation. La scène ressemble à une chambre d’enfant qui aurait laissé traîner ses jouets. Une table de jeux au centre, entourée d’un rail circulaire de train électrique. Un nuage blanc et une mouette accrochés au plafond. Des figurines un peu kitchs de pièces montées symbolisent ce couple qui a envie de se garder la meilleure part du gâteau, malgré la faillite qui les frappe en tarte à la crème qu’ils reçoivent de plein fouet.

Quoi de plus adapté que le théâtre d’objets pour décrire une société matérialiste dont le modèle formaté repose sur une accumulation de biens en vision du bonheur ? Agnès Limbos et Gregory Houben assurent un double jeu, en donnant vie à ces bibelots tout en superposant leur rôle de comédiens dans des scènes loufoques où ils n’hésitent pas à pousser la chansonnette dans une rengaine entrainante. Derrière l’absurde se cache la diatribe de cette société où l’argent devient un gourou qui rend fou. Le coup du sort ne mène pas à la réflexion et au changement de vie, mais au contraire à la démesure, comme une femme affamée au régime qui se précipite sur le premier pot de Nutella qui se présente.

Derrière le rire grinçant, le cynisme, acidulé d’une pointe de burlesque, s’amuse à démonter les mécanismes sociologiques pour révéler les petites bassesses et les bons vieux réflexes d’instinct de propriété et de dominant qui s’octroie le droit d’établir son pouvoir, allant jusqu’à une violence justifiée. Ressacs est une loupe sur la nature humaine : mesquin, égoïste, mais aussi attachant, drôle et rêveur… Une palette d’émotions qui transcende les langues, car le texte a beau être en anglais, avec des intermèdes de dispute en français, le public entre en empathie totale avec eux. Cette traversée du désert de couple, avec des points d’oasis pour reprendre son souffle et se projeter dans l’avenir, tend à l’universalisme. Mariés pour le meilleur, pour le pire et pour le rire…

Ressacs
De et par Agnès Limbos et Gregory Houben
Regard extérieur et collaboration à l’écriture : Françoise Bloch
Musique originale : Gregory Houben
Scénographie : Agnès Limbos
Costumes : Emilie Jonet
Conception et réalisation ferroviaire : Sébastien Boucherit
Crédit photos : Alice Piemme

 

Vous pourriez aimer çà

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.



Pin It on Pinterest