Quoi de neuf, Dolto ? avec Karine Dron
“Comment ça se fait que les grandes personnes ne comprennent pas les enfants ?” Elle arrive sur le plateau en blouse blanche, le regard franc et accueillant, des lunettes posées sur le bout de son nez et avec cette affirmation en forme de question. Elle, c’est Karine Dron qui, dans une une mise en scène de Martine Fontanille, interprète le rôle de Françoise Dolto. Adaptée de sa biographie Enfances, la pièce pleine d’humour retrace avec beaucoup de finesse le parcours de celle qui avait pour vocation de devenir « médecin d’éducation », comme elle l’affirmait dès l’âge de huit ans.
Un drôle de bureau, une drôle de radio, une drôle de mère
À la demande de sa fille « qui veut garder des souvenirs de sa drôle de mère », Françoise Dolto remet en perspective les réflexions parfois incongrues qu’elle formulait à voix haute. Petite fille élevée dans le cadre « d’une famille très comme il faut », elle désespérait ses parents et son entourage en posant des questions qu’il ne fallait pas. « Pourquoi on dit que les gens ont disparu ? Quand on a perdu quelqu’un, pourquoi, on ne le cherche pas … ». Une fillette qui « constate que [les histoires d’éducation], ça fait des maladies aux enfants qui ne sont pas de vraies maladies, mais qui font vraiment de l’embêtement dans les familles et compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille » c’est gênant et c’est dangereux une imagination pareille !
« Tout est langage » affirmait Dolto et dès qu’elle sut parler, elle repéra le symbolique et le métaphorique du langage. Dans son travail, dans ses chroniques à la radio France Inter et dans ses livres, elle contribua grandement à améliorer la relation parents-enfants. Dans le cadre de sa propre famille, elle repère les anecdotes savoureuses, mais aussi les mille détails drôles ou tristes qui construisent ou détruisent un enfant.
Loin des écrits théoriques, naît sur le plateau un personnage passionnant,libre et drôle.
Le regard ne cille pas, le sourire aux lèvres, l’adresse au public est directe. Tout comme Dolto qui faisait rire son auditoire avec sa fausse naïveté et de vraies croyances nées de l’acuité de ses observations, Karine Dron s’approprie la scène avec la même espièglerie et la même bienveillance. La conférence qu’elle donne éveille les souvenirs, la réflexion alors que s’ouvre ce drôle de bureau, sur lequel est posée une drôle de radio.
La référence aux émissions sur France Inter et évidente. Cependant, les machines imaginées par le sculpteur- plasticien Thierry Grasset, mettent en place le mouvement de la pensée, les constructions tortueuses de l’esprit, le raisonnement pour démêler les imbroglios de l’inconscient. Elles racontent également l’enfance bricoleuse d’une petite fille créative qui construit à l’âge de dix ans un poste à galène.
Martine Fontanille évite le démonstratif et colle sa mise en scène au plus près du corps de la comédienne et des mots. La comédienne se trouve de plain pied dans une relation immédiate au public démontrant ainsi que le pensait Dolto, que chaque vie est en relation avec celle des autres. « La mort n’est pas un événement, pas plus que la connaissance » disait-elle. Ce sont les autres qui savent que vous êtes vivants car ils vous ont vu naître. Quand vous mourez ce seront encore eux qui diront que vous êtes morts et qui le sauront, ajoutait-elle.
Que reste-t-il et que retient-on de notre enfance ? De notre vie ? Comment reconnaître son chemin sans se perdre quand on grandit ? Comment se souvenir de comment on était quand on était petit ? Chercher à répondre, même si on ne sait pas, à chaque questionnement enfantin a été la raison d’être de la réflexion de Dolto. Quoi de neuf Dolto ? revigore une réflexion toujours vivante et actuelle. De façon naïve et directe, le spectacle revisite les thématiques de l’enfance, de la relation à l’autre et de la mort. Il dit surtout la nécessité de se mettre en quête, au-delà de la souffrance et des apparences, de ce qui constitue la valeur cachée de chaque humain.
Quoi de neuf, Dolto ?
De Françoise Dolto
Mise en scène: Martine Fontanille
Avec Karine Dron
Crédit photos: Mathilde Bailly
Jusqu’au 9 mars tous les vendredis et samedis à 19h30 à la Folie Théâtre
Tournée
11/04 : Salle Jean Gabin – Royan
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