Peer Gynt – Opéra rock
Qui est ce Peer Gynt aux rêves extravagants qui fascine et repousse tout en même temps ceux qui l’approchent ? Nul ne le sait vraiment car il s’en va, il revient, il jure et se querelle avec le premier venu. Est-il réellement l’acteur de ses aventures ou les invente-t-il au fur et à mesure pour embellir son existence et celle des autres ?
De cette pièce d’Ibsen en cinq actes parfois un peu trop longue, Irina Brook tire un texte nerveux et dense qu’elle met en scène entre conte fantastique et opéra rock avec une quinzaine de comédiens musiciens et danseurs inventifs et remarquables. Quelques pétales de fleurs, quelques flocons tombés des cintres, quelques accessoires, des costumes chatoyants -un beau travail de Magali Castellan- et des masques colorés et poétiques dûs au talent de Cécile Kretschmar suffisent à faire naître une magie portée par les rythmes d’Iggy Pop et la nostalgie de la musique de Grieg. Un spectacle haut en couleurs qui, comme le personnage central, opte pour des chemins buissoniers, des détours où s’épanouissent le fantasque, l’extravagant, le délirant, le désir sans limite et l’imagination foisonnante.
Tourner et contourner
Peer Gynt est avant tout un raconteur d’histoires. Élevé par une mère qui a essayé de le protéger des mauvais traitements d’un père violent, il a fini par faire siennes les histoires qu’elle lui racontait quand il était enfant. Querelleur, mal embouché, seule sa mère continue à lui pardonner ses fredaines. Ayant séduit une jeune mariée le jour de ses noces, il est contraint de fuir son village, laissant sur place sa mère et la jolie Solveig, les deux seules personnes qui le regardent avec amour. Il se lance dans une quête effrénée qui le conduit dans les montagnes où il rencontre, comme dans un rêve, le roi des Trolls dont il séduit la fille…La mort de sa mère le laisse perdu et dans une dérive qui le conduit de plus en plus bas. Vingt ans plus tard, on le retrouve en rock star vieillissante, perdu dans la fascination de lui-même pour échapper au vide de ce « rêve changeant que l’on appelle la vie « .
Oubliant les labyrinthes parfois compliqués de l’histoire initiale, mais tout en en conservant la féérie, Irina Brook, choisit d’asseoir sa mise en scène sur le trio formé par Peer Gynt, sa mère et Solveig, ce qui donne au spectacle une grande profondeur. Entre provocations, moments de bonheur et de malheur, réussites et défaites, gloire et errance, la quête de Peer Gynt est sans fin, mais au fond de lui subsiste une lumière représentée par le souvenir de Solveig.
Négligeant la simplicité de la ligne droite, il tourne et contourne les évènements, jusqu’à se perdre dans le dédale de ses propres contes.
Avec une énergie folle, dans une liberté totale de mouvement, Ingvar Sigurdsson, un des plus grands comédiens islandais, campe un Peer Gynt éblouissant et émouvant, qui oscille entre le refus de quitter l’enfance et le désir profond d’aimer et de trouver la paix. Passant de la douceur pleine d’abnégation de Solveig à la sauvagerie de la princesse des trolls,la danseuse indienne Shantala Shivalingappa incarne les deux rôles. Avec une palette de jeu impressionnante, elle devient la représentation des figures féminines sur le chemin initiatique que suit Peer et qui le font passer de l’ombre à la lumière.
Croisant les genres, ouvrant le spectacle vers d’autres directions, Irina Brook s’affranchit des contraintes de cette pièce réputée difficile à monter. Tout en conservant l’exubérance du récit, la démesure onirique et fantasmatique, ses choix précis et resserrés ouvrent vers le questionnement métaphysique. Menteur, rêveur, poète. Insolent et anticonformiste, séducteur, lâche et irresponsable, Peer Gynt fait tout pour renier son humanité, pour éviter l’amour et la sagesse. Pourtant les histoires qu’il invente ou se raconte tournent autour de ces questions éternelles : comment dire que nous avons été nous-mêmes ? Et si Solveig était une vision de la partie la plus pure de lui-même, celle qui réapparaît peut-être au moment de la mort alors que tout semble terminé? Et si l’odyssée extravagante de Peer Gynt, était le miroir à peine déformé de nos propres mésaventures ? Le monde naît des mots que l’on invente et si l’on n’était rien d’autre que ce que l’on raconte ?
Peer Gynt
D’après Henrik Ibsen
Adaptation & Mise en scène : Irina Brook
Spectacle en anglais surtitré en français
Avec Helene Arntzen, Frøydis Arntzen Dale, Diego Asensio, Jerry Di Giacomo, Scott Koehler, Mireille Maalouf , Roméo Monteiro, Damien Petit , Margherita Pupulin, Pascal Reva, Augustin Ruhabura, Gen Shimaoka, Shantala Shivalingappa, Ingvar Sigurdsson
Poèmes : Sam Shepard
Chansons : Iggy Pop
Chorégraphie : Pascale Chevroton
Scénographie : Noëlle Ginefri
Costumes : Magali Castellan
Masques : Cécile Kretschmar assistée de Sarah Dureuil
Lumière : Alexandre Toscani
Assistant à la mise en scène Simon Courtois
Création au Festival de Salzbourg, juillet 2012
Création en France au Théâtre National de Nice, septembre/octobre 2014
Durée : 2h45
Crédit photos : Gaëlle Simon
Vu au Théâtre des Bouffes du Nord
Dates de tournée
Le 6 mars 2018 : Scène nationale, Narbonne
Les 9 et 10 mars 2018 : Théâtre Saint Louis, Pau
Le 13 mars 2018 : Théâtre Jean Vilar, Saint Quentin dans l’Aisne
Les 19 et 20 mars 2018 : La Coursive, La Rochelle
Les 22 et 23 mars 2018 : Théâtre Angoulême, scène nationale
Les 27 et 28 mars 2018 : L’Apostrophe, Cergy-Pontoise
Rejoindre la Conversation →