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Festival des Tréteaux de France – Œuvrer au lieu de travailler

Œuvrer de Laure Bonnet au Festival des Tréteaux de FranceFestival des Tréteaux de France – Le titre de la pièce est venu à la suite d’une rencontre avec un agriculteur qui ne disait jamais « j’ai travaillé » mais « j’ai œuvré ». Œuvrer a juste deux lignes de définition dans le dictionnaire et une jolie connotation désuète qui fleure bon l’artisanat et le sentiment du travail bien fait.

C’est sur la distinction entre les mots « œuvrer » et  » travailler » que Laure Bonnet construit un spectacle optimiste et émouvant, nourri d’images et de musiques. « Œuvrer, dit-elle, c’est quand la force de travail dont on dispose s’applique à construire, que ce soit une maison, une éducation, une organisation, un service. » Se basant sur la distinction subtile entre les deux mots, elle engage une réflexion autour de la noblesse du travail, qui, dans le monde actuel, avec ses contraintes et ses rythmes insensés, ressemble de plus en plus au tripalium, qui était un instrument de torture et dont le terme a donné en français, le mot travail.

Entre fiction et témoignages

Pourquoi se lève-t-on le matin ? Où puisons-nous ce courage ? Qu’est-ce que l’avenir du travail dans une société en pleine mutation où l’emploi manque ? Qu’est-ce qui s’invente pour demain qui nous permette de rêver ? Traversée par ces questions, Laure Bonnet interroge les concepts, pousse et étire le sens des mots, créant un texte entre fiction et témoignages.

Œuvrer de Laure Bonnet au Festival des Tréteaux de FrancePartie à la rencontre d’hommes et de femmes, ruraux ou citadins, elle les a questionnés sur le sens de leur travail, leur rapport avec lui. Rien à voir avec l’argent facilement gagné, ici on parle de la France qui se lève tôt, qui a souvent du mal à joindre les deux bouts et qui ne conçoit pas toujours ce que l’on désigne par économie. Côté fiction, nous suivons un jeune couple qui a choisi de s’éloigner de la grande ville pour construire une maison au milieu de nulle part. Lui, sa femme l’appelle « mon schtroumpf », ce qui ne manque pas de le faire enrager. Elle l’aime avec sa vision naïve du monde, sa propension à recueillir les chiens perdus et son idéalisme de bisounours. Trouver du sens à leur travail, réinventer le collectif, la solidarité, c’est la raison essentielle qui les a poussés à quitter le confort de leur appartement citadin, à s’endetter pour construire cette maison, et pour œuvrer au lieu de travailler.

Point par point, le propos étaie une pensée qui relève du politique, édifie une réflexion sur l’organisation d’une cité qui continuerait à donner du sens au travail et au-delà permettrait d’inventer une façon solidaire de vivre ensemble. La construction de la maison devient la métaphore de ce monde dans lequel il serait bon d’oeuvrer au lieu de travailler. Un monde qui referait de la finance un outil pour remettre à nouveau l’humain au centre de sa création. Grave et pleine de tendresse, Œuvrer, présenté au Festival des Tréteaux de France, est une pièce profonde, qui ose la naïveté avec courage pour proposer une vision plus altruiste de notre quotidien, tout en affirmant la nécessité du sens. Soutenu par la générosité de trois comédiens qui y croient, on sent aussi dans Œuvrer un parfum de nostalgie pour les années 60-70, celles qui étaient porteuses de toutes les utopies collectives.

Œuvrer
Texte & Mise en scène : Laure Bonnet
Dans le cadre du Festival des Tréteaux de France
Avec Maia Commère, Arnaud Fremont et Eric Proud
Créateur musical : Eric Proud
Scénographie : Damien Caille-Perret
Lumière : Elodie Bernard

Jusqu’au 18 Juin 2016 au Théâtre de l’Épée de Bois

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  1. « Oeuvrer » semble coller parfaitement à notre monde du travail malmené. On perçoit beaucoup de profondeur dans la démarche professionnelle de Laure Bonnet, qui augure d’une pièce sensible, intense, qui questionnera sûrement le spectateur. Elle mériterait de parcourir les scènes de province ! Une tournée est-elle prévue ?
    Et merci à Dany Toubiana qui, de sa plume toujours limpide, nous éclaire sur le sujet.
    Isabelle A.

    Artus / Répondre

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