Un Molière des temps modernes
Réactualiser Molière au 21ème siècle, voilà une bien jolie idée, si le spectacle bien entendu, est bon.
C’est Isabelle Starkier, metteur en scène chevronné, qui relève ce défi et adapte « Monsieur de Pourceaugnac » au théâtre Silvia Monfort. Et le spectacle est bon… Ce n’est pas une des pièces les plus connues de Molière, mais ce qui surprend, d’autant qu’elle fût écrite en 1669, c’est son thème, fort d’actualité. Rien n’a changé : la cruauté et l’intolérance des hommes envers leur prochain.Il ne fait pas bon d’être étranger. Noir ou provincial, c’est la même idée, seule l’époque change.
Monsieur de Pourceaugnac, avocat, Limousin, débarque à Paris pour y épouser Julie, sa jolie promise. Il est beau, parle bien, est un gentilhomme sans histoire. Mais voilà, Julie aime Eraste, et n’a aucune intention d’épouser par contrainte, ce Monsieur de Pourceaugnac, venu de sa campagne lointaine. C’est donc un véritable stratagème que vont mener Julie et Eraste, aidés par deux intrigants voyous, Nérine la servante, et Sbrigani le valet. Fourbes, cruels et sans scrupules, ils vont le mettre à terre, l’humilier, le ruiner, le rendre fou, pour mieux le faire repartir dans son pays d’origine. Par calèche ou par charter ? Rien n’a vraiment changé. Nous l’aurons compris, un Molière à la plume bien écrite, ou les histoires des valets, amants, médecins pervers, et pauvre type protagoniste, se confondent en situations humiliantes et à la morale des plus dérangeantes.
La peur de l’autre…
Là ou tout le travail d’Isabelle Starkier est à saluer, c’est sa capacité à moderniser l’époque en dépoussiérant un texte pas toujours compréhensible. Une scénographie fluide et intelligente, ou les acteurs se déplacent avec magie dans un décor épuré, et où le surplus n’envahit pas l’espace. Son idée originale et gonflée, est d’avoir transformé le limousin étrange, en un noir étranger. C’est bien donc « la différence » qui dérange. Elle va même jusqu’à le mettre à nue … pour de vrai ce Monsieur de Pourceaugnac.
Il y a de la Commédia dell’arte dans ce spectacle. On y chante, on y danse, on s’y amuse comme des fous, on s’enfouit dans des labyrinthes de lumières bien placées, on se laisse prendre au jeu de la manipulation. Et on reconnaît aussi la « patte »du metteur en scène. La prestation des acteurs est remarquable d’adaptabilité et se fondent tour à tour dans des masques (Anne Bothuon en est la créatrice) mystérieux et dérangeants. Quatre acteurs qui remplissent une scène ou des dizaines de personnages apparaissent un à un. C’est aussi la magie du théâtre et le talent des artistes. Ne s’apercevoir de rien et laisser glisser les images devant les yeux médusés des spectateurs. Sarah Sandre est une Madame Oronte qui joue sur les genoux, (mais comment fait-elle ?) et sa prestation n’en est que plus remarquable. Ses partenaires sont comme elle : talentueux.
Qui gagne dans cette comédie ? Les imbéciles et les précieux ridicules. Hélas ! Monsieur de Pourceaugnac abattu par la désopilante variation des hommes, s’en retournera d’une bien étrange façon. Il est doux de se replonger dans des grands classiques français, ou les frontières d’hier frôlent avec celles d’aujourd’hui. Un vrai bon moment à passer avec la Compagnie STAR et Molière.
[slider title= »INFORMATIONS & DETAILS »]
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
De Molière
Par la Compagnie STAR
Mise en Scène Isabelle STARKIER
Avec Eva Castro, Daniel Jean, Jean-Marie Lecoq / Pierre-Yves LE LOUARN, Stéphane Miquel, Sarah Sandre.
Costumes : Anne Bothuon
Musique : Amnon Beham
Crédit photos : Jean-Pierre Benzekri
Jusqu’au 21 juin
Mardi, Vendredi, Samedi à 20h30 | Mercredi, Jeudi à 19h| Dimanche à 16h
Théâtre Silvia Monfort
106, rue Brancion, 75015 Paris
http://www.theatresilviamonfort.com/
Réservations : 01 56 08 33 88
[/slider]
Rejoindre la Conversation →