Ariane Mnouchkine et toute sa troupe nous transportent, grâce à un roman inachevé de Jules Verne, dans la petite et la grande histoire du début du XXe siècle avec trois gros bouts de ficelle, beaucoup d’imagination, un tombereau d’émotions et une vague de rires. Il n’y a pas à dire, la grande prêtresse du théâtre sait y faire !
Là-bas
Autant dire que pour se rendre à la Cartoucherie, il faut être motivé. Vous allez me trouver gnan-gnan ou mémé, … mais bon, on finit par avoir ses petites habitudes. Alors pour se rendre en plein milieu du Bois de Vincennes, monter dans la navette bringuebalante du théâtre et passer presque 4 heures sur une banquette plus ou moins confortable, il faut le décider. Et bien dès le porche de la salle du bar-foyer-restaurant franchie, vous êtes ailleurs. Vous êtes dans la guinguette du Fol espoir. Charrette, babyfoot, cuisine, bancs, meublent l’immense salle pas encore assez grande pour asseoir tous les spectateurs qui se pressent pour choisir leur pique-nique. Il est 18h30 et la salle est ouverte. Alors avant d’aller vous sustenter, un conseil, réservez vos places assises en décollant le chiffre placé sur le dossier de la banquette pour le mettre sur votre ticket. (c’est beaucoup plus clair en vrai !)

Petite et grande histoire
Le rideau tombe, le spectacle écrit par Hélène Cixous, commence. Un immense plateau, nu. Les cordages, font penser à une charpente de fils ou à des filins de bateau. Ce sont juste des outils pour les cintres mais pas seulement. Ici tout est possible. Des matelas qui deviennent banquise à de simples ventilateurs qui se font ouragans.
Alors que la guerre de 14 menace, Félix, accueille Jean, cinéaste idéaliste, Gabrielle et Tomaso, dans sa guinguette. Fasciné par l’art, il leur permet de tourner un film utopiste avec le personnel de l’endroit et les moyens du bord. Alors que Rodolphe, l’archiduc rouge, favorable au peuple, est assassiné (dans la thèse de Jean), un bateau fait naufrage au large du Cap Horn, sur une île que se disputent le Chili et l’Argentine. La Terre de Feu, si inhospitalière pourrait être le départ d’une société humaniste et égalitaire…pourrait.
Le cinéma balbutie
Pour tourner le film, tout le monde s’y met, la troupe se forme. Et d’un coup de baguette magique, « tourne la manivelle » et l’action commence. Successivement, les techniciens acteurs s’échinent à trouver des décors, un bateau, la neige, le bureau de la reine Victoria, celui de l’archiduc, …avec ce qui fait la grandeur des débutants : l’enthousiasme.
Ariane Mnouchkine a réussi une mise en scène au cordeau servie par des comédiens précis et authentiques. On se croit à l’aube du cinéma au beau milieu d’un film muet où toutes les expressions des comédiens sont exacerbées et les regards outrés. Des dialogues écrits sont montrés accompagnés d’une musique de circonstance….
Il faut voir se démener les petites mains qui agitent les fils retenant les jupes ou les manteaux pour les faire aller au gré du vent et la neige tomber. Mais le plus beau c’est encore cette mouette dite « l’oiseau » qui est de presque tous les tableaux comme un talisman pour ce fol espoir.
Au fur et à mesure du film qui se construit, que la petite histoire, se déroule devant nous avec les inimitiés, les jalousies des comédiens, les coups de gueule du metteur en scène, les trouvailles de bricolo pour inventer le travelling ou la grue caméra, la grande Histoire avance. La guerre pointe son né et ses casques. Mais le film se fera, la solidarité humaine vit ici, chez Félix, grâce à l’art.
A l’entracte, après un verre de jus de gingembre ou d’hibiscus, on se précipite pour savoir le dénouement. Après des drames et encore des rires, des applaudissements nourris, on repart heureux d’avoir partagé avec cette troupe ces moments de spectacle comme si nous aussi nous en faisions partie. Une mise en scène au cordeau servis par des comédiens précis
[slider title= »INFORMATIONS & DETAILS »] Les Naufragés du Fol Espoir (site web)
D’Hélène Cixous
Mise en scène d’Ariane Mnouchkine
Théâtre du Soleil
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Vincennes
Réservations : 01 43 74 24 08
Depuis le 3 février 2010,
mercredi, jeudi et vendredi à 19 h 30, samedi à 14 h 30 et à 20 heures, dimanche à 13 heures, relâche le lundi et mardi
Durée : 3 h 50
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