Théâtrorama

Intemporalité et modernité : deux mots d’ordre à partir desquels Anton Kouznetzov adapte le chef d’œuvre de Gogol tout en lui restant fidèle. Sans oublier donc d’être drôle. Un beau spectacle malgré quelques maladresses.

Visionnaire et réaliste, cynique et révoltée, romanesque et diablement théâtrale, écrite comme un poème selon l’expression même de Gogol, « Les Âmes mortes » semble avoir inspiré tout le courant surréaliste du XXème siècle. Sans les aventures de Tchitchikov, étrange zigue zigzaguant à travers le pays pour racheter à leurs propriétaires les paysans décédés depuis le dernier recensement (et donc encore vivants aux yeux de l’administration), aurait-on eu Vian, Breton, Queneau et plus tard au cinéma Kusturica et Kaurismaki ? Bien avant l’invention de la caméra, Gogol avait écrit le plus génial scénario de road-movie. Cinématographique, « Les Âmes mortes » est aussi incontestablement du pain béni pour un metteur en scène de théâtre.

Pas simple pourtant de l’adapter pour les planches. Car tout est bon dans ce bouquin : les dialogues sont percutants, les descriptions aussi grotesques que loufoques sont légion. En optant pour la mise en lumière de l’intemporalité et de la modernité du sujet, Anton Kouznetzov a bien sûr tapé juste. De la galerie de personnages du support littéraire, il a réduit le dispositif scénique à trois intervenants avec un étonnant Hervé Briaux qui campe près d’une dizaine de rôles.

Crédit photo Artcomart

Des références pas très orthodoxes…
Pourtant, avec son accent plus proche du titi parisien que du moujik ou barine russe, Il ne fait guère passer dans son jeu cette âme slave qui transpire dans chaque page du roman. De plus la volonté assumée de faire moderne à tout prix parasite le propos, comme cette allusion à une « fameuse » émission télé ou l’utilisation de certains mots, trop contemporains pour être gogoliens. Sans aucun doute, on préfère André Markowicz (le traducteur) dans son travail sur Dostoïevski ou Tchekhov.
Mais passés ces bémols, le spectacle est total, la scénographie alerte fourmille de trouvailles. La rigueur de l’adaptation nous immerge, par un jeu subtil des comédiens incarnant les personnages et le narrateur, au cœur du support littéraire. Un travail très soigné dans l’utilisation à multiples sens des accessoires permet de capter cette folie russe (présente donc visuellement) et de faire ressortir l’immense drôlerie de l’œuvre originale et dont on ne peut passer sous silence la géniale traduction qu’en a proposée Anne Coldefy-Faucard aux éditions Verdier Poche.

[slider title= »INFORMATIONS & DETAILS »] Les Âmes mortes (site web)D’après Nicolas Gogol
Traduction André Markowicz
Mise en scène : Anton Kouznetsov assisté d’Eric da Costa
Adaptation : Anton Kouznetsov et Laurent Lejop
Scénographie : Giulio Lichtner
Lumières : Gérard Gillot
Son : Jean-Pascal Lamand
Avec Hervé Briaux, Véra Ermakova, Laurent Manzoni
Du 4 au 29 juin 2010
Du lundi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30 – relâche mercredi et jeudi

MC93 Bobigny
1 boulevard Lénine 93000 Bobigny
Réservations : 01 41 60 72 72
Durée : 2h15[/slider]

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