Théâtrorama

Les critiques considèrent « Le roi Cymbeline » comme une romance tardive, écrite en 1609 par Shakespeare. D’abord classée avec les tragédies, elle figure aujourd’hui parmi les comédies.

Écrite juste avant « Le Conte d’hiver », cette pièce a été rarement montée. L’intrigue est compliquée, les péripéties perdent le spectateur et le happy end est un tissu d’invraisemblance et de naïveté. La pièce a un côté baroque et dans sa mise en scène, Hélène Cinque la fait tendre vers un conte facétieux dans lequel les comédiens semblent beaucoup s’amuser surtout dans le seconde partie.

Un jeu de double
L’argument de la pièce est simple et se déroule en deux mouvements. Le roi Cymbeline est roi de Bretagne et s’oppose à sa fille Imogène qui vient de s’unir à Posthumus, un roturier. Manipulé par sa femme, il lui destinait Clotène, le fils de celle-ci. Cymbeline fait enfermer sa fille et bannit son époux en Italie. Imogène reste fidèle à son époux, mais lui croit aux preuves de son infidélité…

Tout fonctionne selon le principe des doubles et des opposés dans ce spectacle. Deux femmes, une jeune princesse fidèle et loyale, une vieille reine versatile et malveillante, un roi vieillissant et injuste avec sa fille face à un seigneur banni injustement et capable d’élever les fils du roi sans rien demander en échange, un roturier à la haute vertu et un prince prêt à toutes les bassesses, la Bretagne aux landes désolées et l’Italie ensoleillée…

Le traitement de l’espace scénique lui-même permet également une lecture à plusieurs niveaux: la réalité est souvent trouble et on tend vers l’onirisme en passant par le conte et le fantastique. Découpée en trois, la scène s’établit selon un dispositif qui permet de jouer sur la perspective, la hauteur et la proximité.

De scènes de batailles en songes, entre allers et retours, les héros se croisent pour mieux se perdre ou se retrouver, en un jeu de cache-cache qui finit par inverser le cours des événements. La Reine ressemble à la marâtre de Blanche-Neige et les agissements des valets mettent en valeur les turpitudes ou les grandeurs des maîtres.

Dans la traversée de cette pièce sans héros véritable, le public est conduit, perdu dans la sensation vertigineuse d’un voyage souvent imaginaire. Très impliqués physiquement, les comédiens rendent visible la matière charnelle des rêves et des fantasmes.

Formée comme comédienne au Théâtre du Soleil, Hélène Cinque nous rappelle à quel point Ariane Mnouchkine reste une référence dans son travail de metteure en scène avec les ombres qui se faufilent sur le plateau, les déplacements invisibles de forêts qui avancent au rythme des personnages ou au contraire le mouvement violent où les corps s’entrechoquent.

Se roulant dans la tourbe qui compose le sol de la scène, évoluant dans un brouillard inquiétant où rôde un danger imminent, les comédiens rendent compte d’une bataille qui « réveille nos armées intimes et profondes (…), exprimant les instincts primaires des enfants qui subissent la loi de la meute ». Perdus ou simplement fatigués, les personnages sont toujours prêts à bondir et prêts à lâcher le fil de la vie.

Totalement assumées dans les choix dramaturgiques, les références au conte et à la fable font la part belle à l’enfance. On se bat sous la forme de combats sanglants, on éprouve la violence de l’amour bafoué, de la trahison, mais jamais on ne quitte ce registre du « comme si… » qui apparente le jeu du comédien à celui des enfants.

[note_box]Le roi Cymbeline
D’après William SHAKESPEARE
Adaptation : Ariane BEGOIN
Mise en scène : Hélène CINQUE
Travail du corps : Marie Barbottin
Création Lumière : Victor Arancio
Avec Emmanuelle Bourdier, Paolo Crocco, Nicolas Fantoli, Pierre Ficheux, Christina Galstian, Charles Gonon, Vahag Kalaidjian, Alain, Khouani, Dan Kostenbaum, Sylvain Machac, Stéphane Otéro, Franck Saurel, Harold Savary, Magali Song, Alexandre Zloto
Crédit photo: Antoine Agoudjian [/note_box]

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