La Révolte, une tragédie humaine
Un affrontement de haut vol entre deux comédiens viscéralement impliqués et un texte sublime sur les désastres de l’argent et la condition féminine. Eminemment d’actualité.
Alors qu’il épluche les comptes en présence de son épouse, un banquier, tel la Perette de La Fontaine, prophétise sur les investissements qu’il fera sur le dos des locataires trop pauvres pour le payer et donc expulsés. Il se voit déjà prenant du bon temps dans les théâtres, sa chère et tendre à son bras comme le plus sûr des faire-valoir. C’est alors que celle-ci coupe court à ses mirifiques réjouissances en lui annonçant qu’elle le quitte.
Auguste de Villiers de l’Isle-Adam écrit cette tragédie sur le pouvoir de l’argent en 1870. Quatre ans après que Dostoïevski eut fait estourbir à la hache une usurière par Raskolnikov mais bien avant le pamphlet de Zola, antépénultième volume des Rougon-Macquart. Et si la cupidité et l’avarice avaient déjà de belles lettres au Panthéon de la littérature (ne citons que Balzac et son pingre de Grandet), La Révolte n’en est pas moins révolutionnaire pour son époque, ce qui la rend éminemment moderne, allant jusqu’à résonner d’un écho tout particulier en ces jours où l’on parle tant de ce mal nécessaire mais aussi d’égalité des sexes.
Villiers de l’Isle-Adam, ce féministe
L’écriture est admirable, les formules choc se succèdent, les mots claquent comme des sentences. C’est un réquisitoire contre l’oppression, l’asservissement liberticide. Mais c’est également et avant tout une tragédie humaine. Celle d’une femme, Icare d’une époque où les héroïnes, à s’être trop approchées du soleil de la liberté, se jettent sous un train pour fuir la bien-pensance.
C’est Julie-Marie Parmentier qui s’empare avec sa phénoménale capacité de jeu de ce texte admirable. L’ancienne pensionnaire de la Comédie Française que les cinéphiles n’auront pas manquée notamment chez Jean-Pierre Denis (« Les blessures assassines ») livre une performance qui semble charrier toute la souffrance faite aux femmes depuis la nuit des temps, leur donner la parole en libérant la sienne. Secondée par l’excellent Olivier Cruveiller, elle hisse ce spectacle à la mise en scène discrète vers le prix d’excellence.
De Villiers de l’Isle-Adam
Mise en scène : Charles Tordjman
Avec Julie-Marie Parmentier et Olivier Cruveiller
Scénographie : Vincent Tordjman
Création lumières : Christian Pinaud
Costumes : Cidalia Da Costa
Création musique : Vicnet
Maquillage et coiffure : Cécile Kretschmar
Collaboration artistique : Pauline Masson
Crédit photo : Pascal Victor et Alain Leroy
Depuis le 17 mars au Théâtre de Poche-Montparnasse
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