Théâtrorama

Caroline Loeb, l’électron libre

Françoise par Sagan avec Caroline LoebCaroline Loeb s’empare avec gourmandise du texte de Françoise Sagan et en un peu plus d’une heure nous fait revivre cette amoureuse de la vie dont les excès tant médiatisés ont trop souvent fait oublier la profondeur des propos. Un spectacle de haute facture, parfois très drôle, rehaussé par la mise en scène très épurée d’Alex Lutz.

Nous avions laissé Caroline Loeb il y a quelques années aux prises avec un spectacle à écrire sur George Sand. Après ce « work in progress » magistral, elle se met en retrait pour entrer dans la peau d’une autre grande figure féminine des lettres, l’auteur du sulfureux « Bonjour Tristesse », ce roman majeur par lequel tout à commencé alors qu’elle était encore mineure.

De Sagan, le grand public aura surtout retenu une étrange bonne femme au débit de parole saccadé à la lisière de l’incompréhension, comme pressée de formuler ce qu’elle avait à dire pour plus rapidement s’éclipser et retrouver son nid dont elle donne si souvent l’impression d’être tombée par accident. En lisant ces prises de parole, on découvre une autre femme…

« Un drame amusant »

Dans « Je ne renie rien », recueil d’interviews de 1954 à 1992, Sagan livre son gargantuesque appétit de vie, son doute cartésien (« le doute c’est la santé ») et son amour quasi rousseauiste des animaux et de la nature. De l’auteur des « Confessions », elle puise aussi cet humanisme viscéral dont sont gorgés ses mots. Plus intimement, ses blessures (« Je suis quelqu’un qui se blesse »), son goût de l’extrême, sa quête du bonheur (et cette magistrale réplique « J’ai trop le gout du bonheur pour avoir des désirs irréalisables ») laissent transparaître une personnalité terriblement attachante, profonde, un oxymore à elle toute seule et que résume cette phrase d’une fracassante lucidité, « un drame amusant, c’est ça la vie ».

Si par essence, elle est paresseuse, Sagan aura beaucoup travaillé. Du premier roman qui lui apporte triomphe, argent, opulence et ce sobriquet de « Charmant petit monstre » de François Mauriac à la fin de sa vie, ce sont vingt romans, des nouvelles, des textes de chansons (Hallyday, Gréco), des scénarios (« Landru » de Chabrol), des pièces de théâtre. Une œuvre. Atypique, inattendue.

Rien de surprenant que Caroline Loeb dont le parcours n’emprunte guère les chemins battus, se soit emparée de ce magnifique terreau pour faire naître ce spectacle audacieux. Aussi joueuse que son modèle (même si les domaines de jeu sont différents), elle s’est lancée dans un défi de taille : faire revivre Sagan à travers ses interviews. Le résultat est bluffant. D’une grande sensibilité mais aussi d’une exquise drôlerie. Dans une ambiance feutrée que soulignent des éclairages prêtant à la confidence, la comédienne, mise en scène par Alex Lutz, nous invite dans l’univers de cet électron libre, dans son intimité, nous fait partager ses peurs et ses joies, ses lucidités et ses folies. Un spectacle d’une profonde légèreté où la comédienne et son modèle ne font plus qu’une. L’osmose parfaite.

 

Françoise par Sagan
Avec Caroline Loeb
Mise en scène : Alex Lutz avec la collaboration de Sophie Barjac
D’après « Je ne renie rien » de Françoise Sagan (édition Stock)
Adaptation : Caroline Loeb
Lumières : Anne Coudret
Décor : Valérie Grall
Costume : Irié
Musique et création sonore : Agnès Olier
Durée : 1h15
Crédit photos : Richard Schroeder

Au Théâtre du Petit Montparnasse
Du mardi au samedi à 19 h

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