Théâtrorama

À l’origine du mythe

Les créateurs de la compagnie Légendes Urbaines adorent les titres à rallonges qui interpellent, interloquent … Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois n’échappe pas à cette règle. L’enjeu de cette compagnie née en 2010 est de proposer un théâtre résolument ancré dans l’environnement urbain. Cette dernière création parle de ce rapport, avec les quartiers populaires où ils ont grandi, lorsque la verticalité des cités a remplacé l’horizontalité des zones pavillonnaires. Cela donne une pièce qui dérange et bouscule les idées reçues sur ce que l’on appelle communément la banlieue.

Dès la fin des années 70, la presse rendait compte de ces rodéos qui apparaissaient alors sous la forme d’un entrefilet dans un journal régional ou d’une brève au journal télévisé.

Été 1981, Les Minguettes, Vénissieux dans la banlieue lyonnaise. Vols de voitures, rodéos, incendies et affrontements avec la police au pied des barres d’immeubles…Cet été-là, les incidents vont embraser l’actualité, la couverture médiatique va s’amplifier et rendre compte des incidents à l’échelle régionale puis nationale. Les auteurs-comédiens, pensent que, cet été-là, à la périphérie de Lyon, naît le mythe tenace d’une banlieue désoeuvrée, dangereuse sur lequel se cristallisent nombre de peurs, transformant le fait divers en fait de société.

La mise en récit de la banlieue

Sur le plateau, une table, des fauteuils des livres, des journaux, des ordinateurs. Mais aussi trois caméras, une régie vidéo, une console lumière, des micros, des contrôleurs sans fil, un écran qui accueillera la projection de films, extraits d’informations, de reportages ou des images en direct filmées sur le plateau. Au centre un espace vide, celui de la fiction qui se remplira au fur et à mesure de récits, de réflexions communes ou d’apartés. Avec une grande virtuosité, les frontières entre les espaces s’abrogent ou coexistent alors que le spectacle se déroule entre théâtre et reportage télé.


La scénographie modulable ouvre l’écran en persiennes, une maquette rend compte de la géographie d’un espace de barres d’immeubles avec ses rues bétonnées. Le plateau de théâtre devient le champ d’investigation où se posent les réflexions, les contradictions qui démontrent la fabrication du récit journalistique autour de l’objet “banlieue”. À partir de documents d’archives, de reportages ou de journaux télévisés des années 80 à nos jours, naît une sorte de fiction basée sur une réalité volontairement tronquée, des choix rédactionnels pris en amont en conférence de rédaction jusqu’à la diffusion en passant par le tournage et le montage. 

Sur le plateau les comédiens recréent une salle de rédaction de la télévision. Partant de la réalité de la scène, ils imaginent les conférences des vrais journalistes de télévision, le processus et les choix qui finissent par rendre compte d’une réalité rétrécie, vue à travers  le viseur de la caméra. Passant au peigne fin, le cadrage, le choix des images ou la gestuelle des journalistes qui donne une ouverture vers le non-dit,, utilisant les techniques de l’audiovisuel en montant en direct le son et les images, les comédiens confrontent les approches, font progressivement glisser le sens et transforme les personnes réelles en personnages de fiction. 

Peu à peu, sur le plateau, le “démontage” critique des choix d’images, fait naître un dialogue avec une autre réalité conforté par la présence des acteurs sur le plateau. Un autre questionnement surgit alors, plus apte à fonder une réflexion constructive : elle vient d’où cette peur de la banlieue ? Comment se construire alors que l’on vous dit sans arrêt que là où vous vivez est une zone de non-droit ? Le mythe est une histoire alors peut-on se faire les interprètes de la réalité des autres ? De quelle façon ce mythe de la banlieue forgé par les images affecte-t-il nos perceptions intimes de ces espaces ? 

Dans une grande inventivité de mouvements sur le plateau, croisant les écritures et les techniques du film et du théâtre, se dessine alors non pas une nouvelle histoire de la banlieue, mais la mise en récit et en mots de ces espaces. La démonstration proposée par les comédiens de la Cie Légendes Urbaines est brillante sans être caustique car au-delà des mots, il reste surtout, disent-ils en filigrane, le regard des enfants, les histoires croisées et les rêves de ceux qui vivent là.   

  • Et c’est un sentiment qu’il faut déjà  que nous combattions je crois
  •  Écriture collective:  Cie Légendes Urbaines
  • Mise en scène : David Farjon
  • Scénographie : Léa Gadbois-Lamer 
  • Avec Samuel Cahu, Magali Chovet, David Farjon, Sylvain Fontimpe, Ydire Saïdi, Paule Schwoerer
  • Crédit photos: Jérémie Gaston-Raoul
  • Durée : 1 h 45 environ
  • Jusqu’au 22 Novembre 2019 au Théâtre Romain Rolland – Villejuif
  • Du 13 au 15 Janvier  2020 -Théâtre de Vanves
  • 13 Mars 2020 / Théâtre des Sources- Fontenay aux Roses
  • Du 20 au 21 Mars 2020 / Scène Nationale de St Quentin en Yvelines
  • Du 26 au 28 Mars 2020 / Collectif 12- Mantes- La- Jolie
  • Du 5 au 9 Mai 2020 / Théâtre Paris-Villette 

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