La Conférence des oiseaux – mise en scène : Guy-Pierre Couleau
Au XIIIème siècle, le poète persan Farid Uddin Attar écrit La Conférence des oiseaux, un des plus beaux contes soufis qui a traversé le temps. De ce texte majeur de la littérature orientale, Jean-Claude Carrière tire un récit théâtral que Peter Brook mettra en scène et présentera au Festival d’Avignon en 1979. Le texte, très peu monté depuis, est repris à la Manufacture des Oeillets à Ivry-sur-Seine, dans une mise en scène de Guy-Pierre Couleau après avoir été crée en 2018 au Printemps des Comédiens de Montpellier.
Des mondes connus et inconnus
Un jour, tous les oiseaux du monde connu et inconnu se réunirent en une grande conférence. La Huppe se plaça au milieu d’eux et leur proposa de partir à la recherche du Simorg pour en faire leur roi. C’est un être plus grand que tous les rois de la terre et tellement lumineux qu’on ne peut le contempler qu’à travers un miroir . Et, ajoute-t-elle, celui qui se voit dans ce miroir y voit son âme et son corps. Arrivés de tous les coins de la terre, les oiseaux, après une première réaction d’enthousiasme, élèvent des objections : le faucon se prend pour un roi tout puissant et ne voit pas de nécessité à ce voyage, le Canard préfère la sécurité de sa mare et le Rossignol qui chante les secrets de l’amour n’est pas séduit à la perspective d’un voyage long et difficile. Quant à la Perruche, le vaste monde lui fait trop peur et sa cage lui suffit amplement.
Un par un, ils sont arrivés de la salle et se sont placés devant un miroir éclairé à trois faces de loge de théâtre. Sur la table les attend de superbes masques d’oiseaux qui laissent voir une partie de leur visage – magnifique travail de Kuno Schlegelmilch qui a conçu des masques pour certains spectacles de Patrice Chéreau et Bob Wilson -. Entre récit et incarnation, devant un miroir à trois faces, sous une forme chorale, dix comédiens-conteurs viennent raconter ensemble ou à tour de rôle, l’épopée de ces oiseaux qui migrent pour partir à la rencontre d’eux-mêmes et découvrir ce qu’ils sont.
La mise en scène de Guy-Pierre Couleau s’organise autour d’une esthétique qui mélange l’animal et l’humain. Le récit s’émaille de contes, d’anecdotes qui parlent des hommes et raconte aussi le voyage des oiseaux. Dans une direction d’acteurs impeccable, passant de l’humain à l’oiseau, les gestes sont précis et les voix se mêlent, es corps dansent et se rencontrent. De cultures diverses, les dix artistes de la pièce – parmi lesquels, le comédien d’origine camerounaise Emil Abossolo M’Bo, Manon Allouch qui a grandi entre la Réunion et la Nouvelle-Calédonie, le Suédois Nils Öhlund ou encore le Persan Sharokh Moushkin Galam – passent de l’incarnation au récit sur scène à l’adresse directe au public et portent avec force la dimension universelle de la fable.
Mais qui sont ces oiseaux qui se mettent à parler, à dire leurs craintes leurs espoirs et leurs rêves ? Le voyage des oiseaux s’étale sur des années. Leur errance se termine par la traversée de sept vallées avant d’accéder au Simorg. Les oiseaux parviennent à la fin du voyage et en découvrent le sens véritable : le Simorg est en fait la rencontre avec soi-même. Vision humaniste et poétisée de notre monde terrestre, le texte d’Attar, prolongé par celui de Carrière, est la métaphore de l’âme humaine et de son cheminement intérieur.
Si la première partie du spectacle nous semble juste et enlevée, cette dernière partie, d’une esthétique toujours irréprochable, aurait peut-être mérité un traitement dramaturgique différent afin de laisser plus de place au message mystique contenu dans le texte d’Attar. Abandonner ce qui semble rassurant et confortable, se défaire des biens de ce monde, du pouvoir et même des amours pour parvenir à la vraie connaissance, celle qui conduit au coeur de l’être, tel est le message sous-jacent de la fable. Parvenant au bout de leur voyage, les oiseaux sont conduits à déchirer les voiles de l’illusion. Leur aventure devient alors celle de la quête de sens qui anime le voyage de chaque humain durant sa vie terrestre.
La Conférence des oiseaux
De Jean-Claude Carrière
(Inspiré par le poète Farid Uddin Attar)
Mise en scène : Guy Pierre Couleau
Assistante mise en scène : Christelle Carlier
Avec Manon Allouch, Nathalie Duong, Cécile Fontaine, Carolina Pecheny, Jessica Vedel,
Emil Abossolo M’bo, Luc-Antoine Diquéro, François Kergourlay, Shahrokh Moshkin Ghalam
Nils Öhlund
Collaboration artistique : Carolina Pecheny
Scénographe : Delphine Brouard
Lumières : Laurent Schneegans
Masques :Kuno Schlegelmilch assisté de Hélène Wisse
Costumes : Camille Pénager
Musique : Philippe Miller
Remerciements à Catherine Dreyfus, accompagnement chorégraphique
Durée 1h30
Crédit photos: Laurnet Schneegans
Jusqu’au 22 février au Théâtre des Quartier d’Ivry – CDN du Val-de-Marne
Tournée 2019
26 mars 2019 -Scènes Vosges – La Souris Verte, Épinal
05 avril 2019- Le Carré – Sainte-Maxime
Du 09 au 13 avril 2019 -Centre dramatique de l’Océan Indien, La Réunion
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