Théâtrorama

Un texte, une voix

Nous voilà presque redevenus des enfants. Assis sagement dans nos fauteuils, nous n’avons rien d’autre à faire qu’à écouter, à nous laisser bercer par un texte, par une voix. Assis lui aussi, mais sur une pile de dossiers, Daniel Pennac, auteur à succès de la série des Malaussène (Au Bonheur des ogres, La Fée carabine, La Petite Marchande de prose…), fait la lecture publique d’une nouvelle de Herman Melville, « Bartleby le scribe ». Pas de distraction possible : le lecteur, quasi immobile, est seul en scène, et le décor est dépouillé à l’extrême : un rideau de gros drap blanc, froissé comme un vieux papier, une corbeille renversée laissant échapper quelques feuilles en boule et des documents en tas, disséminés de-ci de-là. À peine est-on diverti par le jeu discret des lumières. Le lecteur capte toute l’attention et ouvre une à une les portes de notre pensée, jusqu’à rendre visible les personnages. Imaginez…

pennac

Mystérieux Bartleby
Un avoué travaille avec trois employés dans un petit bureau de Wall Street. Il a les services de deux copistes. À l’époque, il n’y a pas encore de photocopieuses et les actes se recopient à la main. Il les a surnommés Dindon et Lagrinche. Il emploie également un jeune garçon de bureau d’une douzaine d’années qu’il affuble du nom de Gingembre. Ses affaires prospèrent et l’homme de loi doit s’assurer une aide supplémentaire. À la suite d’une annonce, un personnage tranquille, au teint livide, vient se présenter. Il s’appelle Bartleby. La nouvelle recrue fait la satisfaction de son patron, tant il abat quantité d’écritures, en retrait derrière un grand paravent vert. Jusqu’au jour où tout bascule. L’avoué qui, comme d’ordinaire, demande à collationner des documents, se heurte à Bartleby qui lui répond d’une voix douce et ferme : « Je ne préférerais pas. ». L’employé modèle, consciencieux, lisse, ne parlant à personne, révèle brutalement une étrange facette de sa personnalité. Déconcerté, l’homme de loi ne sait comment réagir, d’autant qu’à toutes les questions Bartleby ne cessera désormais de répliquer : « Je ne préférerais pas. »

Un lecteur hors pair
Voilà une œuvre bien énigmatique. Le suspense de la nouvelle de « Bartleby le scribe » tient à cette seule phrase « Je ne préférerais pas » qui, répétée en toutes circonstances, évolue jusqu’à l’inéluctable : la mort. Pourquoi ce refus de Bartleby ? Ses mots sont sans explication. Est-ce de la passivité ou de la résignation ? La puissance du non-acte, la liberté de refuser le choix ? « Bartleby cesse de jouer le jeu des hommes », explique Daniel Pennac. L’histoire étrange d’un homme qui veut vivre libre, et sans exister… Passionné par ce sujet, l’écrivain parvient à enthousiasmer son auditoire. Car Daniel Pennac ne se contente pas de lire. Avec beaucoup d’adresse, il déplace l’énergie du texte vers le spectateur, sans la fausse musicalité des pauses aux points et aux virgules. Il joue les mots du texte non pas comme un acteur, mais comme un lecteur hors pair. Pour qui aime la lecture à voix haute et l’absurde, aimera à coup sûr « Bartleby ».

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Bartleby
De Herman Melville
Mise en scène de François Duval
Avec : Daniel Pennac
Texte français de Pierre Leyris
Adaptation de Daniel Pennac
Scénographie de Charlotte Maurel
Lumière Emmanuelle Phelippeau Viallard
Son de Florent Dalmas
À La Pépinière théâtre du 20 février au 30 avril 2009
7 rue Louis le Grand, 75002 Paris
Du mardi au samedi à 19h
Réservations : 01 42 61 44 16
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