Théâtrorama

Sans quasiment prononcer son nom, se contentant de « elle » ou « la chanteuse de minuit » -manière élégante de se détacher de son modèle pour éviter le piège arachnéen du mimétisme ou de l’idolâtrie- Marie-Hélène Féry rend à Barbara un hommage vibrant de dignité, de drôlerie et d’émotion, accompagnée par deux virtuoses. Coup de cœur !

Barbara… Ce fut l’héroïne d’un des plus célèbres poèmes de Jacques Prévert. Jusqu’au jour où la supplanta un véritable ovni éponyme dans la chanson française et qui allait devenir la petite sœur de scène d’un autre grand Jacques. Brel, bien sûr. Son nom aujourd’hui incarne un vaporeux mystère, celui-là même qu’elle drapait dans les plis de ses étoles au cours de ses spectacles qui électrisaient un public en transe. Barbara, ce feu follet qui brûlait les planches et dévorait comme mante religieuse son public amant, s’est offert le panthéon des intouchables. Reprendre Barbara, plus que tout autre, même Brel, c’est souvent orchestrer un suicide artistique.

Ceux, et surtout celles, qui s’y sont frottés y ont laissé souvent des plumes. Des boas entiers… Quelle mouche a donc piqué Marie-Hélène Féry ? Celle de la modestie, de l’humilité probablement. Humilité et modestie d’une femme qui chante avec ce qu’elle a de meilleur en elle, déambulant avec un bonheur sincère dans ce répertoire comme s’il était sien. Malgré une tessiture et un timbre de voix qui rappellent de manière parfois troublante ceux de son modèle, Marie-Hélène Féry s’impose une distance. Son jeu de scène, beaucoup plus terrestre, loin des grands gestes dont Barbara paraphait les airs, y contribue. Il en est de même pour son rapport avec le public. Proximité, sourire permanent vont insuffler à ce formidable spectacle une touche d’intimité que renforcent les superbes voûtes du théâtre de Nesle.

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crédit photo Delphine Royer

« L’Aigle noir », « Nantes », « Göttingen »…
Elle va tout oser, Marie-Hélène Féry. Les « tubes » de Barbara, tellement entendus qu’ils sont à la fois à tous et tellement à elle qu’on aurait tendance à les classer plus intouchables encore. « L’Aigle noir », bien sûr. « Dis quand reviendras-tu », « Une petite cantate ». Tout passe pourtant. Et puis, toujours pour marquer cette déférente distance mais aussi pour nous raconter Barbara, elle prend le temps entre chaque chanson de nous parler. De nous rendre la grande dame brune plus proche.
Enfin, Marie-Hélène Féry va opérer un choix particulièrement judicieux des titres pour conférer un peu de légèreté au spectacle. Les chansons socialement les plus tragiques sont absentes. A « Sid’amour à mort », « Le soleil noir » ou « La mort » seront préférées l’ironique « Si la photo est bonne », la libertine « Les amis de Monsieur » ou encore la croustillante « Elle vendait des petits gâteaux ». Brel et Brassens apparaissent deux fois, nous incitant à rêver à un hommage spécial que cette formidable artiste pourrait leur rendre. Mais pour l’heure, savourons ce bel hommage à Barbara qui nous est rendue si proche grâce à cette conteuse hors pairs à la voix puissamment expressionniste et qui pare de cette modestie des grands sa performance. Ajoutons pour finir qu’elle est accompagnée par deux musiciens qui osent des solos de très grande classe, fougueux et virtuoses. Ces hommes à elle…

Barbara de l’Ecluse au Châtelet
Conçu et interprété par Marie-Hélène Féry
Accompagnée au piano et à l’accordéon par Roger Pouly et Sergio Tomassi
Tous les dimanches à 17 h

Au Théâtre de Nesle
8 rue de Nesle, 75006 Paris
Réservations : 01 46 34 61 04 et points de vente habituels
Durée : 1h30

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