Judith Magre dans la confidence
Fougue et franchise s’invitent à ce court spectacle où Judith Magre se souvient. Forcément savoureux malgré un ensemble plutôt déséquilibré.
Tout commence par un personnage imaginaire d’une femme qui rencontre un homme et tombe amoureuse de son dos. De cette charpente, elle sera l’épouse puis la veuve. C’est Judith Magre qui l’interprète. Puis intervient un écrivain qui met fin à cette histoire et entame un dialogue avec Judith Magre herself. Il veut écrire un bouquin sur elle. Elle refuse. Il est prêt à tout entendre : elle n’a rien à dire. Mais elle va tout de même remonter le temps et faire revivre ce passé où l’on croisera Prévert, Sartre, Beauvoir, Giacometti ou encore Audiberti.
On ne saurait bouder son plaisir d’avoir à moins de trois mètres de soi cette légende du théâtre qu’est Judith Magre. Cette immense comédienne, véritable encyclopédie du théâtre à elle seule. Elle a tout joué, rencontré toute la fine fleur de l’intelligentsia germanopratine des années 50. Elle nous parle d’eux comme d’autres causent de leurs collègues de bureau ou de leurs potes de salle de sport. Avec ce détachement que crée la promiscuité, avec un naturel somme toute normal, presque banal. La banalité à ce niveau-là bouscule forcément le quotidien d’un spectateur lambda, le fascine.
Dans la confidence…
Judith Magre est un personnage fascinant, aux multiples facettes. Avec ses contradictions sans lesquelles elle ne serait qu’une image sur papier glacé, lointaine et presque imaginaire, inaccessible. Tout ce que ce spectacle proscrit grâce à une configuration intimiste de la salle. Le spectateur est presque un confident privilégié de ces souvenirs, de cet état des lieux du job de comédienne. C’est forcément palpitant, exaltant, touchant, cette introspection du métier par une de ses plus grandes représentantes.
« Jouer les mots et non un personnage » dit-elle. On peut regretter que cette profession de foi ne soit pas vraiment le fil conducteur de ce spectacle. Car si la seconde partie, dès qu’intervient l’écrivain, est passionnante, le monologue qui ouvre le spectacle manque de tonus et déséquilibre l’ensemble. Finalement, c’est Judith Magre qu’on préfère à cette veuve étrange qu’elle incarne en premier. Celle qui lève un voile sur ce qu’elle connaît mieux que personne : le jeu, le trac, la loge, cette antichambre du spectacle où elle commence vraiment à exister…
Une actrice
De Philippe Minyana
Mise en scène : Thierry Harcourt
Avec Judith Magre, Thierry Harcourt ou Christophe Barbier (30, 31 mai, 3, 4, 5 et 8 juillet)
Assistante à la mise en scène, Claudia Bacos
Durée : 1h10
Crédit photos : Pascal Victor
Jusqu’au 15 juillet au Théâtre de Poche-Montparnasse
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