Il ya un délire joyeusement communicatif dans cette compagnie dirigée par Emmanuel Besnault, un jeune metteur en scène d’à peine 24 ans plein de talent, de maturité et qui sait insuffler à son groupe de comédiens-chanteurs et musiciens, à peine plus âgés que lui, un véritable esprit de troupe.

Compagnie théâtrale fondée en mai 2010, dans la région Provence-Alpes-Côte-D’azur, avec la volonté de défendre les auteurs contemporains, L’Éternel Été est une compagnie qui, en quelques spectacles, a gagné ses galons professionnels. Leur première création est « Onysos le Furieux » de Laurent Gaudé (Prix Goncourt 2004) avec Jacques Frantz (nommé au Molière du meilleur comédien en 2008), dans le rôle titre. Avec leur deuxième création, ils ouvrent une branche « tout public » consacrée aux contes traditionnels revisités par les auteurs contemporains… Depuis 2012, ils jouent « Il était une fois…Le Petit Poucet » de Gérard Gelas qui fait renaître les personnages du conte dans une modernité toute théâtrale et a fait les beaux jours du festival off d’Avignon.

Or donc, Il était une fois un très vieux marquis qui a été le petit Poucet mais qui a complètement perdu la mémoire… Il était une fois des valets, prêts à toutes les ruses pour aider leur vieux maître à raconter son histoire… Il était une fois des parents pas très futés, des frères vraiment pas gentils, un ogre pas tout à fait végétarien, une forêt pas accueillante du tout, un loup-garou pas trop effrayant, une fée très tête en l’air, un roi pas très sympathique, une princesse un peu énervée, et une lavandière en mission secrète…

Cailloux blancs, harmonica et fraises tagada…
Dans un (pseudo) désordre qui télescope les contes, de « La Chèvre de M. Seguin » à « La petite fille aux allumettes », ce Petit Poucet se déroule dans un décor composé d’une sorte de boîte tournante qui contient de façon astucieuse tous les espaces, de la maison des parents à celle de l’ogre, en passant par la forêt. Comme dans un carrousel, les souvenirs perdus reviennent de façon aléatoire et fragmentaire. Mais ce n’est pas grave puisque chacun sur scène ou dans le public peut aider, participer, au besoin rectifier et encourager surtout lorsque l’imprévu embrouille les différentes séquences, ou s’il s’agit de se confronter à des souvenirs dont on ne veut pas se souvenir…

Manipulant le décor ou en surgissant, jouant de l’harmonica, de l’accordéon, de la guitare ou de la derbouka, assurant tous les rôles et les bruitages, les sept comédiens construisent le spectacle sous nos yeux dans un immense tourbillon, avec un plaisir réel et non dissimulé. Une heure durant, les sept comédiens mêlent les gags et les chansons. Dans un récit propulsé cul par-dessus tête, ils nous emmènent par la main, sur des routes inédites semées de cailloux blancs où l’ogre finit par se transformer en une friandise tout à fait surprenante. Comme un tour de magie, comme une thérapie peut-être, ce Petit Poucet qui ne prend pas les enfants pour des demeurés, nous fait rire, nous réconforte et nous emmène au-delà de la peur dans un grand éclat de rire, tout en rallumant les étoiles, jusque dans les yeux des spectateurs !