Figaro mis en scène par Thomas Condemine
Figaro – Il y a dix ans, Alan a pris une décision majeure : celle de quitter son salon de coiffure pour devenir acteur professionnel et jouer le rôle de Figaro dans un spectacle professionnel. Tel Eric Rohmer découvrant Fabrice Luchini dans son salon de coiffure, Mario en allant se faire coiffer dans le salon d’Alan a découvert l’acteur idéal pour sa pièce. Réuni par le metteur en scène, Anne, James, Suzanne et Martin et bien sûr Alan se préparent à répéter dans un village pyrénéen.
Oui… enfin façon de parler car dans cette pièce mise en scène par Thomas Condemine, ÉlieTriffault, également co-auteur, est seul en scène. Il interprète Figaro et également tous les rôles de cette pièce en train de se monter.
Alan, Mario, Anne, les autres et Figaro…
L’exercice relève de la virtuosité. Avec pour tout décor une table et des chaises, en fond une photo ringarde de paysage de montagne, d’un geste, sur une pirouette, d’une intonation, Élie Triffault passe d’un personnage à l’autre, de l’émotion personnelle du personnage d’Alan à l’ironie de Figaro en passant par les affres de la création de toute l’équipe. À travers la multiplicité des regards, nous voilà confrontés aux affres de la création, aux problèmes de budget, aux rivalités ou aux histoires d’amour de l’équipe.
S’appuyant sur « Les Noces de Figaro » de Beaumarchais ou « Figaro divorce » de Horvath, la pièce joue aussi avec les époques. Ici le rire du Siècle des Lumières de Beaumarchais s’oppose au rire grinçant de l’Allemagne des années 30 de la pièce de Horvath. Thomas Condemine et Élie Triffault en profitent aussi pour jouer avec les temporalités du personnage d’Alan.
Figaro, J’aurais mieux fait de rester coiffeur
Figaro devient une sorte de métaphore et déborde sur la vie personnelle d’Alan. Dix ans après, confronté aux réalités du métier d’acteur, il a un peu déchanté. Bien intégré dans le milieu, il est en panne d’inspiration. Seul chez lui et fuyant le metteur en scène qui le met sous pression pour qu’il termine la pièce qu’il est en train d’écrire. Sa vie personnelle va à vau- l’eau car il est en instance de divorce avec celle qui jouait le rôle de Suzanne lors de la première rencontre.
» Pour écrire note Figaro, disent les auteurs, nous avons voulu nous imprégner de ce que cette figure incontournable a charrié au fil des siècles ; nous nous sommes nourris d’une littérature dense et incontournable (l’oeuvre de Horvath, la trilogie de Beaumarchais, les écrits politiques de Camus…) » ; ces références devaient mettre en exergue la dimension politique du personnage de Figaro. Cet aspect de l’oeuvre manque sans doute à cette pièce. Pourtant faut-il le regretter ? Au-delà de la figure emblématique de Figaro, se dessine ici la fragilité du métier d’acteur, le travail acharné, la passion du métier dans des conditions financières parfois difficiles et les situations rocambolesques. On rit beaucoup des défauts des uns, des tentatives des autres, des discussions alambiquées autour du jeu théâtral et de tout ce qui constitue le travail au plateau. Le ton décalé, léger et plein d’humour ne cache pas les déceptions, les inquiétudes, les frustrations.
Comment terminer une telle pièce ? Comment parvenir à une chute possible et mettre fin au maëlstrom des situations, à la multitude des personnages, à ce discours qui tourne parfois et se nourrit de lui-même ? C’est l’oncle préféré d’Alan qui, au téléphone, trouve la solution. Ils sont là ? ils te regardent ? Demande-leur d’applaudir…Dernière pirouette . Noir cut.
Figaro
J’aurais mieux fait de rester coiffeur
Texte : Thomas Condemine & Élie Triffault
Mise en scène : Thomas Condemine
Lumière : Baptiste Bussy
Voix enregistrées : Yves Beaunesne, Lou Chauvain, Claude Bernard Pérot
Avec : Élie Triffault
Jusqu’au 14 Janvier à 19 h du Mardi au Samedi au Théâtre du Lucernaire
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