Théâtrorama

La balade poétique de Pierre Richard

Gérald Garutti met en scène Pierre Richard – Avec sa tête de premier de la classe, Gérald Garutti est un drôle d’oiseau, qui surgit toujours là où on ne l’attend pas. Il peut travailler sur les grands classiques de Shakespeare à Musset en passant par Bernanos, croiser les mots et la musique sous la forme de récits en prise directe avec la réalité comme « Haïm – À la lumière d’un violon » qui raconte la tajectoire de Haïm Lipsky, violoniste prodige déporté à Auschwitz ou encore se transformer en oiseau de nuit pour nous offrir un petit bijou de poésie, « Petit éloge de la nuit » adapté du texte d’Ingrid Astier. Avec ce texte en fil conducteur, il fait des incursions dans la poésie de Baudelaire, Poe et, plus proche de nous, de Bashung.

Garutti c’est aussi l’amour des acteurs. Après avoir fait jouer Natacha Régnier ou Mélanie Doutey, il embarque dans un seul en scène notre Grand Blond national, l’acteur Pierre Richard dans une balade nocturne poétique et musicale. L’idée est magnifique puisqu’elle nous permet de découvrir l’acteur dans un registre plus personnel et plus secret, un registre qui révèle son côté gourmand et sensuel, contemplatif et toujours plein d’humour.

Petit éloge de la nuit avec Pierre Richard
© Pauline Maillet

Un labyrinthe de sensations et d’infini

« Nuit fascinante, nuit attirante, nuit de rêve, nuit d’amour, nuit muée en ténèbres angoissants, nuit de folie, lumières de la nuit, avec ses étoiles et sa lune, nuit sans lune, nuit de fête, et, même, plus surprenant peut-être, vaste nuit de l’esclavage… Les déclinaisons possibles sont sans limites. » Sur les pas de ce personnage qui surgit de l’ombre, en quête d’un rêve inaccessible qui prend parfois la forme d’une femme qui danse (la danseuse Marie-Agnès Gillot), nous voilà embarqués sur les ailes de la nuit. Explorant « les arc-en-ciel du noir », nous passons du silence à la fête, du sommeil à l’ivresse du rêve « aquarium de la nuit » au cauchemar qui en est « sa fleur vénéneuse ». Solitude et présence, la nuit se fait tendre ou exaltante, ombre et lumière, vertige et silence.

La lumière créée par Éric Soyer, découpe au scalpel la silhouette de l’acteur, joue sur les contrejour et fait surgir des formes parfois étranges qui accentuent les ombres. L’utilisation de l’image filmée permet des échappées visuelles qui, même dans la lumière éclatante du jour, nous plonge dans l’onirisme étrange des tableaux de Magritte. « Faire taire le bruit du monde, laisser les mots s’ouvrir… notes vagabondes… nuits inspirées…Nuit de veille ou d’insomnie, nuit d’amour ou nuit de l’esprit …Un labyrinthe, tout en recoins…Où le ciel sème sa nuit. Où le regard s’ouvre à l’infini… »

Petit éloge de la nuit avec Pierre Richard
© Gérald Garutti

Pierre Richard, le conteur

La voix se fait murmure, confidence ou s’enfle. La silhouette à la crinière blanche se découpe sur le ciel, évoquant le Roi Lear errant sur la lande déserte, par une nuit étoilée. Le dispositif scénique est un grand espace carré et vide, creusé d’un trou noir en son centre. Absorbeur de lumière qui ouvre sur l’infini, il devient l’endroit secret où le solitaire se réfugie pour boire un verre ou fumer un cigare seul face à lui-même. Jouant sur tous les registres, passant de la fraternité à la confidence, de l’intimité au rire joyeux, Pierre Richard s’amuse et nous invite avec générosité à partager son royaume. Circulant avec grâce sur le plateau minuscule, comme un funambule, Pierre Richard, conteur intarissable au regard bleu d’enfant farceur, désarmant d’innocence et d’humanité, dans un grand éclat de rire final, nous invite à chaque instant à nous projeter vers l’horizon de la nuit. Un voyage poétique et initiatique au « temps arrêté, suspendu ou étiré ».

https://vimeo.com/205682557

Petit éloge de la nuit
D’Ingrid Astier
Mise en scène et Adaptation: Gérald Garutti
Assistanat à la mise en scène : Raphaël Joly
Avec Pierre Richard
Danse : Marie-Agnès Gillot
Création musicale et sonore : Laurent Petitgand
Scénographie et lumières : Eric Soyer
Vidéo : Renaud Rubiano
Réalisation des films : Pierre-Henri Gibert, Pauline Maillet, Gérald Garutti
Dramaturgie et assistanat à la réalisation : Zelda Bourquin
Costume : Joël Viala
Collaborateurs artistiques : Païkan Garutti et Laurent Letrillard
Crédit photos : Gérald Garutti – Pauline Maillet – Cosimo Mirco Maglioca

Jusqu’au 9 avril au Théâtre du Rond Point

Tournée
Du 20 au 21 avril 2017 au Théâtre du Jorat (Suisse)

 

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