Théâtrorama

Bovary – Mise en scène : Tiago Rodrigues

Bovary, de Flaubert à Tiago RodriguesBovary, d’après le roman de Gustave Flaubert reprend pour un mois au Théâtre de la Bastille, après son grand succès public et critique de l’année dernière. Cette reprise est l’occasion de revenir avec un regard apaisé sur les mécanismes et les thématiques qui font l’intérêt des spectacles du metteur en scène Tiago Rodrigues.

Puissance de la fiction

Ce qui frappe tant dans Bovary que dans « Antoine et Cléopâtre » ou « Souffle », donné lors du dernier Festival d’Avignon, c’est la question toujours posée de la puissance de vie des personnages de fiction. Souffles ils sont, fantômes ou âmes errantes, et pourtant ils font partie de nos souvenirs, comme les morts que nous avons laissés derrière nous.

Ne jamais incarner, mais plutôt suggérer la possession des corps des comédiens par les personnages, qu’ils se passent les uns aux autres. Donner à voir et à entendre, caresser l’âme et le corps des spectateurs grâce à la vibration vivante de la fiction. C’est peut-être là le projet, cette douceur et cette puissance mêlées. Pourtant, si sa clarté saute aux yeux, ce projet théâtral n’atteint pas toujours son but, laissant apparaître ça et là des faiblesses dramaturgiques, et se trouvant souvent au bord de l’anecdotique ou du divertissement. C’était visible notamment dans « Souffle » à Avignon, qui peinait à embarquer les spectateurs dans une grande émotion et les laissait le plus souvent bercés par une douce et innocente rêverie…

Le procès Bovary

Dans « Bovary » se mélangent œuvre de Flaubert, correspondances imaginées entre l’écrivain et une amante, et pièces du procès intenté à l’auteur pour immoralité. Les comédiens et comédiennes représentent tout d’abord les protagonistes de l’action judiciaire : l’accusé, l’accusateur, le défenseur, la reconstitution du méfait supposé, puis ils se laissent peu à peu gagner dans leurs corps par le roman. On retrouve ce qui fait les délices involontaires des tentatives de moralisation d’hier comme d’aujourd’hui, notamment le bienheureux cliché de l’accusateur possédé par ses propres désirs et qui finit par laisser exp(l)oser sa libido. Le meilleur des défenseurs de l’œuvre en somme, ou celui qui a vraiment compris ce qui est dit entre les lignes…

Le spectacle est léger et touchant, les comédiens convaincants et drôles. Les spectateurs sont invités à se saisir d’une émotion fragile, celle de voir au présent de la scène un personnage de fiction bien installé dans l’inconscient collectif, un peu comme si une chère amie disparue venait leur rendre visite… Ils sont également invités à ressentir le trouble et le désir que suscite ce personnage, ainsi que la pitié et l’identification qu’il inspire. Le spectacle est réussi. À chacun selon sa sensibilité de ressentir ou non la caresse de la fiction dans les recoins de son âme.

 

Bovary
D’après Gustave Flaubert
Mise en scène : Tiago Rodrigues
Avec Mathieu Boisliveau, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios et Ruth Vega Fernandez
Durée : 2h
Crédit photos : Pierre Grosbois

Jusqu’au 28 mars au Théâtre de la Bastille

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