Première à concourir pour le très convoité prix du jeune metteur en scène du Théâtre 13, l’adaptation que propose Irène Favier du chef d’œuvre britannique de Christopher Marlowe s’offre des audaces réjouissantes. Six comédiens épatants mènent avec passion cet imbroglio historique. Du théâtre très prometteur, malgré quelques inutiles ajouts.
C’est devenu LE rendez-vous théâtral de la fin de saison. Alors que l’effervescence pré-avignonaise est à son comble dans le landernau théâtral parisien, le Théâtre 13 vit à l’heure du Prix du jeune metteur en scène. Six spectacles se payent le 13 pour deux représentations chacun dans ce lieu à la programmation aussi exemplaire qu’exigeante. Une formidable tribune pour ces jeunes mordus des planches qui se donnent sans compter à une salle souvent comble. Première à concourir : Irène Favier pour son adaptation très libre du chef d’œuvre du théâtre élisabéthain de Christopher Marlowe, « Massacre à Paris ».
Si être jeune, c’est vivre avec son temps, ce n’est rien de dire que cette metteur en scène illustre joliment l’adage. Partant d’un matériau médiéval (rappelons que Marlowe est un contemporain de Shakespeare) évoquant le massacre de la Saint-Barthélemy, elle va y insuffler maints apanages des temps modernes, constituant autant un pont entre les époques qu’un ancrage bien prégnant dans la France d’aujourd’hui.
La modernité à tout prix
En effet, point de robes empesées ni de chevaleresques côtes de maille et les couronnes sont en mousse. Pas davantage de décor qui eut inévitablement figé et gêné les athlétiques déplacements de cette fougueuse distribution. Les costumes jouent la sobriété absolue, une noirceur totale que vient trancher un bleu roi (bien vu…) pour suggérer la partie protestante des personnages, chaque comédien endossant plusieurs rôles.
Le texte n’est pas épargné non plus par ce désir de modernisme parfaitement assumé qui se traduit par de délirants apartés, contrepoints drolatiques souvent très réussis, à l’image de cette parodie des Césars hilarante, exemple parmi tant d’autres du caractère très cinématographique de la mise en scène. Le burlesque keatonnien côtoie l’expressionnisme allemand des années 20 dans un foisonnement de trouvailles savamment dosées.
Même si la vidéo s’inscrit dans la même volonté d’ancrer le sujet dans notre époque harassée de technologie, son utilisation s’avère moins heureuse, d’autant qu’elle résonne comme une impression de déjà vu moult et moult fois. La qualité collégiale de l’interprétation et les nombreux procédés rendant palpable la violence machiavélique induite par le propos servent avec suffisamment de pertinence cette formidable intrigue politique avec tout ce qu’elle a d’intemporalité, sans qu’il soit besoin de recourir à cet artifice récurent qui parasite si souvent le théâtre d’aujourd’hui. Ce bémol mis à part, voilà un spectacle qui, nonobstant quelques longueurs sur la fin, témoigne d’un travail qui mérite largement notre enthousiasme.
Massacre à Paris, déraison d’Etat
De Christopher Marlowe
Mise en scène : Irène Favier
Avec Alexandre Beaulieu, Jessica Berthe, Pauline Caupenne, Etienne Durot, Jean-Christophe Legendre et Grégoire Leprince-Ringuet
Sons : Sébastien Wolf
Lumières : Thomas Rizzotti
Costumes : Domitille Roche-Michoudet
Vidéo : Benjamin Kühn et Valentin Rivié
Théâtre 13, 104A Boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris (Métro : Glacière)
Retrouvez l’intégralité du programme du Prix Théâtre 13 sur www.theatre13.com
Vendredi 10 et samedi 11 à 20h30
Durée : 1h30
Mon commentaire: une fresque-pantomine hilarante, sanguinaire, impudique…! Les comédiens jouaient juste, la musique était adaptée- les instants de bruit des pas cadensés- ruptures- jeu des corps-les cascades endiablés et enchainés-la couleur rouge-nous transportaient à l’écoeurement. Un clein d’oeil sur notre époque avec en plus de « l’humour d’aujourd’hui »! Ding Ding Dong…!
Une compagnie de jeunes TALENTS…avec un budget sans doute au plus bas (une prouesse dans notre époque qui voit tout en grand) et qui ont tout donné pour nous faire passer une excellente soirée!
BONDI Catherine