Théâtrorama

Écrite dans les années 50 par Harold Pinter, « Hot House » est une œuvre de jeunesse. C’est à cette œuvre maladroite, outrancière et aux extrémités délirantes que Loïc Renard choisit de se confronter pour sa première mise en scène.

Une sorte de maison de repos, un sanatorium peut-être…Rien de précis à ce sujet…Un lieu où résident des patients en tout cas que l’on désigne uniquement sous un numéro, un matricule qui finit par oblitérer leur nom d’origine…C’est Noël et il fait anormalement chaud, se plaint Roote le directeur de l’établissement. Avec ses adjoints Gibbs et Lush, il s’entretient des affaires en cours. Gibbs, son bras droit annonce simultanément au directeur la mort de 6754 et que 6759 a donné naissance à une petite fille…Une bombe dans cet univers où habituellement tout fonctionne au cordeau…Rien ne change et rien ne doit changer, claironne Roote. Noël marque juste le passage d’une année à l’autre, les cycles s’enchaînent, mais en fait, ici le temps s’est fait la malle…

S’appuyant sur les répétitions du texte, la logorrhée verbale de certains passages qui étirent les mots et les situations jusqu’à l’absurde qu’il bâtit une scénographie efficace qui délimite deux espaces. D’un côté, les couloirs interminables de l’établissement, espace où se rencontrent le temps d’un café et d’une confrontation les subordonnés de Roots. Les trajets semblent ne conduire nulle part et là aussi s’expriment les jalousies, les magouilles. D’un autre côté, au centre, comme un ring, le bureau de Roote. C’est le lieu de toutes les violences, les mensonges et surtout le lieu où s’exerce le pouvoir absolu et pervers du directeur. Dans cette enceinte sans extérieur, où on ne regarde la neige que par la fenêtre, s’affrontent Roote et Gibbs. Aussi pervers l’un que l’autre, ils se reniflent, s’évaluent et développent un discours qui essaie de légitimer leur propre définition du pouvoir : Roote l’Ancien prophétise, menace depuis son trône. Son pouvoir, affirme-t-il, lui vient des pères qui ont créé l’établissement, il règne selon le mythe du Fondateur dont il est le descendant direct. Gibbs, l’expert, le technocrate est un animal à sang froid ; il vaut par sa précision, l’attention qu’il porte aux chiffres. Qui sait quoi ? Qui entend quoi ? Les micros sont partout, et celui qui « sait » a le pouvoir. Chacun se transforme en agent, passe son temps à chercher, à véhiculer ou à dissimuler des informations. Ce petit jeu permanent ne sert en fait qu’a maintenir un ordre établi de toute éternité, peut-être en faveur d’un pouvoir occulte supposé détenir encore plus d’informations.

Si « Hot House » a les nombreux défauts de toutes les pièces de jeunesse, on y retrouve déjà les qualités essentielles des pièces de Pinter, notamment un rythme organisé autour du jeu des acteurs. La direction de Loïc Renard est rigoureuse et ne cède à aucune facilité. Les acteurs, loin de se trouver brider dans leur créativité, trouvent de la liberté en trouvant des points d’appui sur les passages d’un niveau de langue à un autre. Par le jeu des pauses, de brusques changements d’état, des répliques concises ou alambiquées, la finesse de leur jeu nous conduit vers des rapports de force de plus en plus troubles ayant pour résultat la création d’un climat menaçant qui tire la pièce vers de plus en plus d’absurdité, de folie et d’étrangeté.

Hot House
De Harold Pinter
Mise en scène : Loïc Renard
Avec Étienne Durot, Basile Lacoeuilhe, Jean-Christophe Legendre, Antoine Reinartz,Loïc Renard, Anïs Thomas

Vu le 27 Juin 2015 au Théâtre 13
Cette pièce concourt pour le Prix 2015 du Théâtre 13 des jeunes metteurs en scène.

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