SStockholm du collectif Denisyak
Un fait divers en trame de fond pour une déconstruction psychologique au scalpel qui décortique les affres des tortures mentales et physiques endurées par la victime d’un ravisseur dérangé. Le collectif Denisyak, en s’appuyant sur l’écriture chirurgicale de Solenn Denis et une mise en scène qui pousse l’enfermement jusqu’à l’oppression, entraîne les spectateurs dans une représentation performative puissante…
Syndrome de Stockholm, une survie psychologique
On se souvient tous de l’affaire Natascha Kampusch, enfant enlevée et séquestrée plus de huit ans, avant de réussir à s’enfuir et de refaire surface à la surprise générale. SStockholm s’inspire de cette histoire, sans chercher à réellement coller à la réalité des faits et s’intéresse davantage aux mécanismes de résistance psychique, dans une introspection qui repousse les limites jusqu’à l’insoutenable.
Mise en condition
L’enfermement, le spectateur va l’expérimenter. Une entrée annexe qui devient sombre jusqu’à provoquer l’inquiétude d’un faux pas avant de trouver sa place dans une salle où les fauteuils sont répartis tout autour de l’espace scénique, pour mieux encercler les comédiens et ressentir l’intimité des corps. Un bruit assourdissant, présent en arrivant, prépare notre esprit à être sur le qui-vive. Deux femmes sortent de l’ombre, elles reviennent sur les lieux du délit et du délire. Une exploration qui ressemble à une spéléologie spirituelle pour affronter ses peurs et son passé.
Un passé qui ressurgit sous nos yeux dans une scène qui tranche avec le climat angoissant, pour composer une ouverture qui ressemblerait presque à un repas de famille classique où un père demande à sa fille où elle en est de ses devoirs. Des banalités échangées qui permettent à notre attention de se relâcher… avant qu’un détail ne vienne de nouveau éveiller notre vigilance, pour basculer peu à peu dans l’irrationnel. Une atmosphère où le flou volontaire de la situation met mal à l’aise, où l’on recherche désespérément un repère dans cet enchaînement d’actions qui déconstruisent et déstabilisent.
Retour brutal à la réalité de l’enfermement dans ce face à face entre un geôlier détraqué, qui passe de la douceur à la violence en un mot, et son otage qui cherche à le séduire, à l’attendrir pour mieux résister dans une rébellion sourde qui la maintient en vie.
Une liberté entre quatre murs
Si le début de SStockholm installe le spectateur dans une routine du quotidien qui tend à découper le temps d’une captive enfermée entre quatre murs, la pièce change vite de rythme, tout en gardant le même refrain dans un cercle sans fin où les situations se répètent dans une variation subtile de texte et un jeu en violence qui va crescendo, jusqu’à une éruption verbale accompagnée d’un corps en révolte. Une écriture qui n’est pas sans rappeler le procédé de « La Ronde du carré » de Dimitris Dimitriadis. Si Solveig est prise au piège, son ravisseur ne l’est pas moins dans un système de pensée en toile d’araignée qui s’emmêle. Jeu de dominant dominé où les mots deviennent des armes et les corps l’expression d’un exutoire mental.
Le spectateur, hypnotisé, devient captif à son tour, pris au collet dans une situation où il se projette malgré lui. Malaise palpable quand la tendresse se glisse dans les interstices d’une relation ambiguë. Le texte de Solenn Denis frappe où ça fait mal dans une réflexion sur l’enfermement mental, sur l’identité en résilience. L’interprétation de Faustin Tournan et d’Erwan Daouphars joue sur une animalité qui laisse les bienséances au vestiaire pour marcher sur le fil d’une démesure parfaitement contrôlée. SStockholm dérange par sa réalité crue qui pousse la porte de l’interdit et de l’impensable. Oppressé, un peu sonné, le spectateur respire l’air libre avec d’autant plus d’intensité à la sortie.
SStockholm
Texte : Solenn Denis
Mise en scène : Collectif Denisyak
Distribution : Erwan Daouphars, Faustine Tournan, Solenn Denis
Crédit photos: Pierre Planchenault
Durée: 1h20
Jusqu’au 1er février au TNBA
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