Théâtrorama

Love and money, mise en scène de Julien Rombaux

Love and Money, Théâtre de Poche, Bruxelles, Avril 2018D’abord, un échange d’emails entre un homme et une femme, des messages lus à haute voix, d’un ton tantôt tonitruant, tantôt tremblant. Ensuite, un pavé jeté dans la mare. L’homme devant son écran avoue à celle devant l’autre ordinateur qu’il a tué Jess, son ancienne épouse. Enfin, « pas exactement ». Elle était suicidaire. Il ne l’a « simplement » pas sauvée. Il minimise le drame. Sa correspondante ne peut pas l’accepter : elle ne lui répondra plus jamais. La plongée dans Love and money, œuvre moderne et osée écrite par Dennis Kelly, est abrupte. Les débris au sol viennent d’ailleurs le rappeler à chaque instant : la pièce se joue en effet sur les gravats d’une icône de la Vierge Marie, cœur rouge et fleuri apparent sur la poitrine transpercé d’une fine épée, détruite à coups de massue, tout au début. Au Théâtre de Poche, il faut s’attendre à tout, et surtout au meilleur. Cette fois, le lieu enchanteur propose une exploration aussi ardue que passionnante du sentiment amoureux, de l’attachement à l’autre mais aussi aux choses, dans un drame social qui aurait pu être signé « Ken Loach » si, outre-Manche, il s’était essayé à l’écriture théâtrale.

Bonheur difficile à attraper

Cette découverte se déroule en plusieurs scènes, qui se suivent sans se ressembler. Les mêmes acteurs jouent des rôles qui n’ont rien en commun ; ils nous entraînent sans merci d’un univers à l’autre. Sur les planches, un jeune « gaucho » devient homme d’affaires, une idéaliste (qui n’est autre que Jess, avant le drame) se transforme en victime de la société de consommation. Quant aux parents de Jess, ils vandalisent la tombe voisine à celle de leur fille, rien de moins. Empreinte d’humour noir (beaucoup), d’absurdité (encore plus), la parenthèse Love and money interroge aussi largement sur ladite « société de consommation », le « bling-bling » incessant, le consumérisme rampant, capable de tout, même de tuer un couple.

Il est beaucoup question de dettes (insurmontables), de violence (non contrôlée), mais aussi de bonheur (difficile à attraper). Le tout forme un puzzle peu aisé à assembler, qui demande du temps, de la réflexion. Pourtant, il n’y a pas 1000 pièces, mais sept seulement, une par histoire. Les liens entre elles existent sans être flagrants. La partition est fragmentée, mais mélodieuse. Pas question donc pour Dennis Kelly d’apporter toutes les clefs de résolution sur un plateau en or : il faut laisser place à l’imagination pour comprendre les destins de tous ces personnages, qui ne sont visiblement pas nés avec une cuillère d’argent dans la bouche.

 

Love and Money
Texte de Dennis Kelly
Avec Sarah Espour, Gwendoline Gauthier, Sarah Lefèvre, Magali Pinglaut, Cédric Coomans et Philippe Grand’Henry
Mise en scène : Julien Rombaux
Crédit photos : Véronique Vercheval

Jusqu’au 5 mai, du mardi au samedi à 20h30, au Théâtre de Poche

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