Un Conte d’hiver : Shakespeare en cage
Winter is coming avec ce Conte d’hiver de Shakespeare majestueusement interprété. A moins qu’il n’annonce un radieux printemps ? Dans un aquarium. Une cage de verre. C’est là que débute Un Conte d’hiver de Shakespeare, réinventé par la Compagnie Belle de Nuit de Georges Lini.
Le roi de Sicile et le roi de Bohème, deux amis d’enfance qui s’aiment comme des frères, se retrouvent le temps d’un diner trop arrosé. La fête bat son plein, mais voilà que Léontes, le roi de Sicile, est animé du plus atroce des sentiments : la jalousie. Il est persuadé que la reine, son épouse donc, le trompe avec le roi de Bohème. Léontes perd la tête – cette tête où, selon ses dires, lui poussent des cornes. Il sort du grand bocal transparent pour s’approcher au-devant de la scène, où se trouve un micro de rockeur.
Lui et les autres personnages le brandiront régulièrement, tout au long de la pièce, pour faire part au public de leurs plus profonds sentiments – des plus mauvais aux plus amicaux. La reine est enceinte. Léontes n’a aucun doute : l’enfant n’est pas de lui ! Il fait jeter son épouse en prison, où naît le bébé. Le spectateur ne rate pas un instant de l’accouchement… Le sang, le front du nourrisson qui apparaît entre les jambes de la tête couronnée, sa belle robe blanche souillée : à l’imagination peu de place est laissée.
Folie communicative
La mise en scène de Georges Lini est éminemment moderne. Trop, diront d’uns, tandis que d’aucuns apprécieront les spots agressifs, les robes à sequins et les vestes léopard, la balançoire qui accueille les tribulations des acteurs, les « Acte 1 », « Acte 2 », « Acte 3 », etc. projetés soudainement au fond de la scène, en surbrillance, comme des respirations inattendues, comme un spot qui s’allume et s’éteint. Les personnages apparaissent tantôt avec des perruques, tantôt avec des masques d’animaux si réalistes qu’ils effrayent. Un Conte d’hiver n’est, de loin, pas le texte le plus connu de Shakespeare ; la stature du roi jaloux en reste la figure de proue. Malgré l’étrangeté de la scénographie, les sentiments de ce mégalomane perdu sont parfaitement exprimés, et sa folie est presque communicative. Il inspire la pitié, avec sa touffe de cheveux toute ébouriffée, nageant, transpirant dans sa camisole, empêtré dans son délire. Quant à savoir quel fol avenir le maître britannique a réservé à l’enfant né d’une union entre une mère fidèle et un père en proie à d’innommables et innombrables démons, il faut le voir pour le croire. To see or not to see, that is the question.
De William Shakespeare
Mise en scène : Georges Lini
Avec Julien Besure, Anne-Pascale Clairembourg, Didier Colfs, Michel de Warzée, Daphné D’Heur, Itsik Elbaz, Louise Jacob, Thierry Janssen, Sarah Messens, Luc Van Grunderbeeck
Photo : Sébastien Fernandez
Jusqu’au 28 février à 20h30 du mardi au dimanche (19h30 le jeudi, 16h le dimanche) à Louvain-la-Neuve au Théâtre Jean Vilar
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