La Poire
Se fendre la poire… Tous les sens sont en alerte, l’odorat en tête. Sur la scène du théâtre de la Flûte enchantée, le metteur en scène François Dumortier réunit deux drôles de personnages, interprétés par Alain Lackner et Frédéric Mosbeux. Ils apportent avec eux un parfum d’une fraicheur inédite, rappelant que de certaines odeurs peuvent s’échapper tous types de sentiments.
D’un côté, il y a Marcus, un vagabond bourru sans attaches. De l’autre, il y a Archibald, un vendeur de parfums aux airs de jeune premier, Doc Martens cirées aux pieds. Archibald débarque, sa valise de parfums à la main, dans une zone désaffectée – le territoire de Marcus. Entre les deux hommes, l’incompréhension cède vite sa place au jeu et un pari se noue : Marcus récupérera l’intégralité de la valise d’Archibald si ce dernier n’est pas capable de vendre un flacon. L’odeur de l’argent flotte dans l’air. Tandis qu’Archibald met tout en oeuvre pour faire commerce – des malfrats aux prostitués, il ne néglige aucune piste – Marcus tente de l’en dissuader. La ville est à l’abandon : autant essayer de vendre un disque à un sourd.
Notes de piano et de parfum
Les rêves d’hôtels étoilés d’Archibald s’évanouissent rapidement : d’une part, dans cette cité en déliquescence, il n’y a pas d’établissement de ce type, et d’autre part, il n’a pas un sou, puisqu’il n’arrive pas à écouler sa marchandise. Archibald doit dormir dehors, mendier de la nourriture. Pourtant, c’est Marcus qui fait l’aumône, traînant avec lui un carton rappelant que lui aussi « aimerait jouer au golf ». L’odeur de la débrouille est prégnante. La salle est petite, la scène aussi. A l’arrière, tantôt dans la pénombre, tantôt dans la lumière, un pianiste, Sacha Peiffer, accompagne les tribulations des deux hommes et entrecoupe les rires du public. Pourtant ses mélodies ne sont jamais très joyeuses ; pas étonnant, dans cet environnement.
La pièce se joue des sens du public : dès l’arrivée des acteurs, les narines des spectateurs frétillent en reniflant du vrai parfum. Et voilà que leurs oreilles sont chatouillées par ces notes de piano si justes, parfois jouées dans le noir. Entre des acteurs qui vivent au rythme des pérégrinations de leurs personnages un peu loufoques et un musicien hors-pair, François Dumortier, a eu le nez fin.
Avec Alain Lackner, Frédéric Mosbeux et Sacha Peiffer (au piano)
Texte et mise en scène : François Dumortier
Photographies : Valentin Boucq
Jusqu’au 17 janvier à 20h30 au Théâtre de la flûte enchantée
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