Théâtrorama

Les Anges au Plafond au Pyka Puppet Festival

Pyka Puppet Festival- Du Rêve que fût ma vie - Les Anges au PlafondPyka Puppet Festival – Dans ce second volet consacré à la vie de Camille Claudel, Les Anges au Plafond s’emparent des correspondances de l’artiste. Des missives provocantes de sa jeunesse, aux courriers non expédiés de la maison de santé où elle fut internée pendant trente ans, Camille Trouvé, sous la direction de Brice Berthoud, dresse avec authenticité le portrait vibrant d’une femme tenace et passionnée.

Au fil des mots fébriles, raturés ou illisibles, l’objet « lettre » se décline également dans la matière et les mouvements du papier, tutoyant parfois le champ de la performance. De la caresse sensuelle du papier de soie pour l’amant à la déchirure durement cartonnée avec les critiques d’art, allant parfois l’étouffement pour d’autres, le champ métaphorique du papier révèle avec précision la teneur de la relation au destinataire. Peu de mots sont écrits parmi les papiers vierges déployés à chaque nouveau tableau. Seule est soulignée l’importance de l’épilogue : la « lettre non parvenue » qui a sans doute permis à l’œuvre de Camille Claudel de nous parvenir aujourd’hui.

« Parmi les déchirures du temps, les incertitudes des dates, les courriers perdus, nous tenterons de lire entre les lignes, avançant pas à pas, déchiffrant mot à mot les paragraphes d’une vie » Les Anges au Plafond – Pyka Puppet Festival

Tour à tour témoin et complice de la traversée, la contrebassiste Fanny Lasfargues, installée sur un trépied de sculpteur, dialogue en live avec cette matière sensible et organique, répercutant aussi à différents moments du spectacle des boucles sonores enregistrées. Cette dramaturgie de l’empreinte qui tient lieu de fil conducteur est en écho direct avec celle dont l’œuvre se confondait avec la vie, sculptant compulsivement et inlassablement ses émotions, humeurs et passions au fil du plâtre, de la terre ou plus rarement… du marbre.

« Du rêve que fut ma vie, cela en est le cauchemar »

Pyka Puppet Festival- Du Rêve que fût ma vie - Les Anges au PlafondÉlève puis muse de Rodin et sœur de Paul Claudel, cette sculptrice de génie est passée sous les plus brillants projecteurs d’une époque, puis mise à l’asile par une famille maltraitante, et oubliée pendant de longues années. Elle ne fut jamais délivrée de son enfermement. Nombre de ses œuvres furent dispersées. Encore aujourd’hui, certaines restent introuvables. La dualité de cette vie est mise en exergue par un dispositif lumineux délicat, qui positionne l’ombre en contrepoint exact à la lumière.

Le costume de l’interprète est partie prenante de cette approche. Pour la jeune femme tenace s’affranchissant des interdits et de la censure sociale de son époque, l’habillement est noir de mystères, osé et sensuel, plein de ressorts surprenants. C’est après le dénuement du corps de l’artiste auprès de Rodin, à la suite d’un ou plusieurs avortements clandestins, et de la rupture amoureuse, que la vie de la sculptrice bascule. Camille Trouvé réapparaît dans le blanc cassé d’une robe qui se révèle complexe et multiple, et dont les manches s’effeuillent au fil de la paranoïa que développe l’artiste. Ses bras, premiers outils de son œuvre, ainsi mis à nu, referment tragiquement la boucle de celle qui inscrivait les corps nus dans la matière.

Tissant leur art dans les interstices de ces échanges épistolaires, les Anges au Plafond nouent une fois encore l’artisanat du marionnettiste à la matière immensément poétique d’une personnalité flamboyante, de la trempe de ceux et celles qui marquent une époque et s’inscrivent indéniablement dans l’Histoire. Le dialogue avec la sculptrice, à travers les époques et les matières artistiques, est exigeant. Poésie et folie sont traversées avec la même énergie soutenue. Une présence continue de deux interprètes hors pair, pour mesurer le chemin parcouru depuis cette femme qui a, toute sa vie, obstinément lutté pour préserver son libre désir artistique.

Pyka Puppet Festival – Du rêve que fut ma vie
Scénographie et mise en scène : Brice Berthoud, assisté de Jonas Coutancier
Collaboration : Saskia Berthod
Costumes : Séverine Thiébault
Aide à la construction : Magali Rousseau
Régie et Lumières : Marina Gabillaud
Jeu et manipulation : Camille Trouvé
Contrebasse : Fanny Lasfargues
Crédit photo : Vincent Muteau

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