Festival OFF d’Avignon – Edgar, le cœur dans les talons
Edgar, le cœur dans les talons – Certains sont dotés de mains d’argent, certaines de grands pieds. Le truc en plus d’Edgar, c’est qu’il a le cœur dans les talons. Et ce cœur-là est semble-t-il bien accroché. Il le pousse aujourd’hui à raconter son rêve d’enfant – devenir danseur de ballet classique – qu’il a transformé en réalité d’adulte, à force de persévérance, mais surtout à force de petits coups de pouce de la providence.
Une petite ville aux accents qui chantent. Début des années 1990. Un matin ordinaire, Edgar se réveille aux sons du Club Dorothée et des flashs info nourrissant le poste de télévision familial. À force de zapper, le jeune garçon tombe sur les images d’un ballet. Il ne lui faut pas plus d’un plié / coupé, jeté / dégagé pour se décider : quand il sera grand, il sera danseur. Danseur classique même. Danseur à Garnier, n’en déplaise à son père et aux caïds souhaitant lui mettre des bâtons dans les guiboles.
Edgar, le cœur dans les talons, mis en scène par Yoann Chabaud
Quelques railleries, quelques pas chassés, des collants, des chaussons et autres accessoires moulants de part en part plus tard, voici Edgar fin prêt à frôler sa première barre – et à provoquer sans le vouloir chez ses premiers spectateurs les premières barres de rire, aussi. Puis, quelques années plus tard, revoici le même Edgar s’inspirant de ses expériences pour proposer un seul en scène à la fois multi-genre et unique en son genre, entre danse et confidences.
Les scènes d’Edgar
Edgar et la danse, à l’âge où les garçons se voient en général futurs footballeurs, éminents docteurs ou encore pilotes de Formule 1 (tant à rester dans les clichés), il faut bien l’avouer, ce n’était pas franchement gagné. La faute à un père ultra réfractaire, se souvient-il, du genre phobique du tutu. Un homme, un vrai, le Francis, plâtrier de métier, une grosse pierre d’idées préconçues à la place du cervelet, et s’inquiétant franchement du caractère tendre et fragile de son rejeton. Les deux hommes ne se comprennent pas. S’ils ont le même accent à défier les grillons, la barrière entre eux se dresse surtout au niveau d’un tout autre langage : celui du corps.
Pour tout ballet de plumes, Francis offre à Edgar le crin d’un balai brosse. Pour toute piste aux étoiles, il lui offre un chantier où il pourra affirmer sa virilité. Mais à chaque manège du paternel, Edgar répond par un entrechat : son école de la vie passera par celle de la danse, et dans toutes ses expressions. Avec Éléonore, jeune ballerine et pianiste, il s’initie aux petits pas de futur rat, sous la baguette tyrannique et drolatique d’un maître de ballet russe. Ce seront aussi pour lui les premiers instants de passage – de collants, de savon – et les premiers temps de transports – poétiques, amoureux.
https://www.youtube.com/watch?v=LXMzjQDiW-Q
En quelques tableaux chronologiques, Edgar s’amuse à rejouer sa danse toute personnelle et à repriser le fil du temps. D’un rond de jambes, il chasse les a priori qui collent aux mollets des danseurs de ballet. D’un développé peu à plus assuré, il apprend à maîtriser son corps qu’il transforme en véritable réservoir de sons et de mouvements. Homme-orchestre, il cherche son équilibre en répondant à l’appel du rythme. D’un seul battement, le voici alors se lançant dans un solo endiablé, mêlant les genres (rap, disco, rock, tout y passe) pour rehausser les teintes d’une palette unique : la sienne, la danse.
Il suffit alors de quelques parenthèses pour faire de son art la plus signifiante des métaphores. Car le cœur d’Edgar ne se situe pas uniquement dans ses talons. Au fur et à mesure de son histoire, de 10 à 15 ans, des images du ballet à la télé à son propre visage de danseur dans la salle de l’école de l’Opéra, l’apprenti aura eu le temps de passer maître en plusieurs spécialités. S’il manie le vocabulaire du corps avec brio, son chausson s’aiguise aussi quand il chante, mime ou joue la comédie. Et qu’il prenne pour modèles Patrick Swayze ou Patrick Dupont, ce danseur-là semble bel et bien unique, à l’image du moment qu’il nous fait passer.
Avec Edgar
Mise en scène : Yoann Chabaud
Pahaska Productions
Crédit Photo : Céline Millet
À l’Espace Saint Martial du 6 au 30 juillet à 18h05
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