Festival OFF d’Avignon – Double
Double – Le plateau est tout entier celui d’un éveil au monde. La naissance y est lente et minimale : elle commence par des balbutiements de gestes. Les doigts miment l’effort retenu d’une marche, puis des jambes entrent dans un jeu d’ombre. Le visage, lui, est de préférence toujours tourné vers le sol qui l’a engendré, comme s’il redoutait de le quitter. De ce corps unique apparaîtra son double, la forme d’un corps en danse, puis celle d’un autre en chant, puis une dernière en musique. Le quatuor de Nono Battesti : une union de souffles.
C’est un jeu de vases communicants, ou plutôt celui d’un tableau qui demande peu à peu à trouver son point d’équilibre depuis ses variations. La balance a besoin de tous ses éléments vitaux, de ses jeux d’éther et de contrepoids, pour trouver son harmonie et sa plénitude. Ils sont quatre sur une scène dépouillée de tout superflu : quatre à atteindre leurs propres accords depuis la conciliation que chacun atteindra avec l’autre et grâce à l’autre. Le rythme à chercher passe ainsi par une entente plus que par un échange. Tous viendront à former une ligne unique, une alliance, depuis la source d’où ils se seront libérés.
Leur respiration originelle appelle bientôt une musique, cordes et percussions, puis des mots. C’est une entente de gestes et d’intentions qui démultiplie identité, réflexion et voix. La reconnaissance implique un abandon de soi pour accepter la forme, la trace, le mouvement, la voix et le son provoqués par l’autre. Tous doubles d’eux-mêmes et des autres, ils voudraient être libres et miroirs à la fois, échapper au monde et s’y confondre tout à fait. Revenir sur l’ombre, s’y abandonner et emprunter au langage de celle et celui qui évoluent autour. Un combat s’engage alors nécessairement, une lutte de l’ordre de l’intime qui demande à ne voiler aucune émotion – joie, douleur, sentiment de perte, effusion, accords et désaccords.
Double – Reflets et eurythmie
Le chorégraphe Nono Battesti reformule le deux à deux dans un croisement qui dépasse largement les frontières du personnel et du collectif. Son reflet convoque un face à face et un dos à dos permanent avec un premier double – la danseuse Juliette Colmant –, puis avec un deuxième qui scrute et traduit le premier dans le chant – la voix de Dyna B –, et enfin avec un dernier qui enlace chaque fenêtre par un univers sonore concomitant – les notes du musicien Quentin Halloy. Ils sont quatre maillons d’une seule et même chaîne, tous à la fois soumis aux évolutions des autres et à leur écoute. Ils cherchent leurs propres expressions et arts le chemin du dialogue et de l’unisson.
Depuis ces corps-balances, dans cette danse-fracas, l’apaisement doit puiser dans le sol et dans les ombres que les mouvements projettent sans cesse. Un réseau symétrique conduit la danseuse à reproduire debout les élans que le danseur effectue à fleur de scène. L’alliance est terrestre autant qu’aérienne, frôlant la mort autant que l’extase, dans cet éveil puissant au monde. Captivés, séduits ou hypnotisés par leur double et leur sentiment d’être au monde, les artistes sont soumis à des palpitations incontrôlables, à la recherche d’une voie en propre.
La symbiose étonnante qui s’actualise alors est également un geste qui s’interroge sur ses racines et ses évolutions. Il suffit d’écouter Dyna B implorant de tout son chant épuré et liquide de « chuchoter et sourire comme un enfant » pour répondre à l’appel du jour qui se fait, et à celui du destin. Car ce présent implacable est une réconciliation de lignes et de gestes, de corps et d’instruments. Nono Battesti en fait une célébration de l’amour. « What you need is falling in love everyday », c’est-à-dire d’accepter le seul à seul comme le dédoublement : être celui ou celle qui danse et celui ou celle dont le reflet se met à danser. Dès lors, le danseur devient musicien, se fond à son rythme ; le musicien devient danseur, se plie à son tremblement. La voix se balance et le mouvement se fait célébration. Double abolit le doute et toute question : il trouve son intensité dans la correspondance, créant une atmosphère vertigineuse dans laquelle tout se répond.
Double
Direction artistique, chorégraphie, danse : Nono Battesti
Chant, danse : Dyna B
Danse : Juliette Colmant
Guitares, percussions : Quentin Halloy
Direction technique, éclairages : Benjamin Struelens
Ingénieur son : Cédric Alen
Scénographie : Olivier Battesti
Crédit Photo : Benjamin Struelens
Durée : 1h
Au théâtre Golovine du 7 au 30 juillet à 22h (relâches les 11, 18 et 25 juillet)
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