Festival OFF d’Avignon – Benoît Dorémus, en Tachycardie
Benoît Dorémus, en Tachycardie – Son grand-père s’en est toujours amusé. Il s’appelait André Dorémus, qu’il aimait raccourcir en « adoremus », rappelant une inscription latine, une prière, que l’on peut encore trouver sur les frontons de certaines églises. « Do-ré-mus », cela sonne aussi comme les premières notes de la gamme. Et c’est un hasard plutôt heureux : sur la scène de L’Arrache-cœur, Benoît Dorémus chante et enchante, pulsations après pulsations. Il nous raconte son voyage dans un pays qu’il nomme Tachycardie – titre de son nouvel album –, un aller sans retour qui mêle les genres et trouve son point d’ancrage sur le continent des sentiments.
Vos impressions sur votre premier Avignon ?
Benoît Dorémus : C’est une course folle ! Mais en fait, ce n’est pas tout à fait ma première fois à Avignon. Avec ma famille, nous habitions juste à côté d’ici quand j’étais enfant. Je devais avoir huit ans et mes petits frères, ma grande sœur et moi nous étions mis en tête de faire comme les grands et de proposer notre spectacle à nous, devant le Palais des Papes. Nous nous sommes retrouvés à faire des acrobaties devant tout un public et à réciter du Feydeau ! Mais effectivement, en tant que chanteur, c’est mon premier Avignon, et je suis en pleine découverte. Tous mes proches m’avaient prévenu, en me disant que ça allait être assez sportif ! Je me suis donc préparé à tout ce marathon, entre la parade durant la journée pour rameuter du public (et chanter en pleine rue est une grande nouveauté pour moi !) et les concert tous les soirs à L’Arrache-cœur. Et je confirme que ce ne sont pas vraiment des vacances !
Comment êtes-vous arrivé jusqu’au OFF ?
Benoît Dorémus : Tout s’est fait grâce à l’Adami, qui gère les droits des interprètes. C’est eux qui louent les salles et qui programment différents chanteurs. Ils m’ont proposé de participer à Avignon il y a environ six mois, et nous étions tous d’accord pour dire que cela pouvait être une super vitrine pour faire connaître mon travail, et une belle opportunité de faire la promotion de mon nouvel album, En Tachycardie. En plus du public, Avignon nous permet d’attirer des programmateurs qui pourraient ensuite être intéressés.
https://www.youtube.com/watch?v=Ut4bonj7RJ
Comment êtes-vous né à la chanson ?
Benoît Dorémus : Par l’amour des mots avant tout. Très tôt, j’ai su que ma vie tournerait autour de l’écriture, de l’art, mais je ne savais pas encore trop dans quel registre… Je me suis longtemps rêvé romancier, puis dialoguiste, puis cinéaste, mais la chanson m’a vite rattrapé et j’ai compris que c’était le format d’expression qui allait le mieux me correspondre. Je m’y exprime totalement, je m’amuse avec les mots, je raconte très souvent mes états d’âme, et je peux faire rire aussi… J’avais écrit un premier roman à l’âge de 20 ans, mais honnêtement, il n’était pas terrible ! Au même moment, j’ai commencé à écrire des chansons, qui me semblaient bien mieux et qui plaisaient à mes amis. Assez vite ensuite, j’ai fait mes premières scènes et tout m’a semblé presque normal, facile. J’ai su que je voulais désormais me trouver là, le plus longtemps possible.
Pourriez-vous nous expliquer le titre de votre nouvel album, « En Tachycardie » ? Est-ce une invitation au voyage ?
Benoît Dorémus : C’est exactement ça ! C’est comme Tintin au Congo ou en Amérique, sauf que là, c’est « Benoît Dorémus en Tachycardie ». C’est une volonté d’amener mon public au pays des sentiments que l’on ne maîtrise pas forcément, et du cœur qui s’emballe. Ce n’est pas un titre qui reprend une des chansons de l’album, comme cela se fait la plupart du temps, mais la citation vient des paroles de l’une d’entre elles, où je dis avoir « trop vécu en tachycardie ». Ces paroles m’ont sauté aux yeux au moment de trouver un titre, car elles synthétisent un peu tout ce que je souhaite dire dans mon album. Tous tournent autour de la question amoureuse, de sa quête, des déceptions engendrées, de la souffrance. J’essaie d’en rire, et de rire de moi-même surtout ! Ils reprennent grand nombre de mes propres désillusions. Et c’est ce que j’aime en général, chez les autres artistes, lorsqu’ils parlent de leurs propres expériences, et qu’ils couchent leurs sentiments sur la table. Comme un cœur à découvert, à vif. Il y a aussi bien sûr des chansons plus légères, comme Lire aux chiottes, qui là est un voyage en littérature d’un point de vue assez spécial, et d’autres au sujet plus grave, comme 20 milligrammes, dont le titre est assez explicite. Toutes sont liées au thème principal de la tachycardie, et de ces expériences un peu limites. Je joue toujours avec les mots, et même lorsque je raconte des choses douloureuses, j’essaie de ne jamais les chanter de façon triste. Je suis attentif à l’autodérision et au second degré, sinon, mes chansons deviendraient de la paraphrase de ce que je vis ou de ce que j’ai vécu, ce qui ne m’intéresse pas.
Quelles sont les grandes rencontres qui ont jalonné votre carrière ?
Benoît Dorémus : Chronologiquement, mes grands parrains appartiennent à la génération d’avant. Il faut croire que je suis né sous une bonne étoile ! J’ai été découvert par Renaud quand j’étais encore tout jeune. Il a produit mon premier album, en licence chez EMI. Pour le deuxième, j’ai directement signé en tant qu’artiste chez EMI, puis Maxime Le Forestier est venu à l’un de mes concerts, conseillé par son fils, et a composé une des musiques de mon nouvel album, Ton petit adultère. Nous sommes devenus assez proches et il m’a pris sous son aile. Une autre énorme rencontre est celle de Francis Cabrel, il y a trois ans. Je suis parti en tournée pour faire sa première partie, puis j’ai passé une semaine avec lui en studio d’enregistrement. Ce sont de très beaux parrains… autour desquels gravitent aussi Alain Souchon, qui m’a prêté sa voix pour une petite phrase dans l’une de mes chansons, et même Eminem ! Dans l’expression de soi, Eminem est un chanteur qui m’a toujours inspiré et qui continue de le faire encore aujourd’hui. Je suis ébahi par ce qu’il parvient à faire avec les mots et la langue, son travail sur les rimes, les assonances et les allitérations… et son déversement prodigieux de sentiments, qui passent par la colère et l’autodérision. Il se livre sans concession. Je ne suis pas un rappeur, mais je prends quelques ingrédients du rap pour m’exprimer, et Eminem est pour moi un vrai modèle.
Et dans ce fief de la littérature, Avignon, pourriez-vous nous donner vos références littéraires ou théâtrales ?
Benoît Dorémus : J’aime Marcel Pagnol, dont l’humour et la simplicité m’accompagnent énormément. Plus jeune, Philippe Djian m’a beaucoup marqué et m’a poussé à écrire. Je suis moins pointu en matière de théâtre en revanche, mais de façon générale, j’apprécie des choses très variées, en littérature comme en musique ; je passe d’Eminem aux Beatles sans que cela ne me pose de problème ! Je crois avoir tellement de références qu’en citer que quelques-unes me frustreraient…
Interprètes : Benoît Dorémus, Cyril Montreau, Julien Deguines
Crédit Photo : Franck Loriot
À L’Arrache-cœur du 7 au 30 juillet à 21h (relâches les 11, 18, 22 et 25 juillet)
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