Quatuor pour une apocalypse…
Quand quatre voisines se retrouvent autour d’un tea time dans le jardin pour refaire le monde, le pire est à venir, dans une comédie de la catastrophe prophétique.

L’heure du thé, c’est sacré pour ces trois charmantes old ladies à qui on confierait son chat sans sourciller. Ambiance bucolique et vieilles dentelles, une quatrième comparse, Mrs Jarett, se glisse en invitée impromptue à cette conversation presque improvisée où l’on parle de tout, pour passer le temps. Mais de fil en aiguille, la discussion prend des allures de grand chaos et de confidences inquiétantes. Mrs Jarett, la petite dernière qui tente de se fondre dans le groupe, devient une espèce de prophète des temps modernes proférant des visions en Enfer de Dante.
« Les substances chimiques s’infiltrèrent par les fissures du système bancaire. Les premiers symptômes étaient l’irritabilité et la nausée. La violence domestique augmenta et il y eut des incidents dans le métro. L’absentéisme scolaire tripla et quatre-vingt-dix-sept écoles furent mises sous tutelle. Les propriétaires durent nettoyer le vomi de leur chien sous peine d’encourir une amende. Les fausses couches étaient fréquentes, créant de nouveaux marchés pour les conseillers en chagrin.Les malformations de naissance augmentèrent plus vite que l’immigration des chirurgiens esthétiques. Des masques à gaz étaient disponibles sous trois mois à la sécurité sociale et avec un large choix de couleurs dans le secteur privé… »
Décalage drolatique avec ces vieilles dames qui prennent des faux airs de Parques occupées à couper les destinées d’un coup de ciseaux, le tea time tourne au vinaigre…
Caryl Churchill, auteure octogénaire en solidarité avec ses personnages, nous offre une écriture de conversation de salon savamment décousue pour mieux ficeler le canevas de ces petites apocalypses en points de croix qui détricotent toute perspective d’espoir. Un texte sulfurique sur fond de tilleul pour passer du spéculoos à la spéculation sinistre en une gorgée de secondes.
Du ciel tombaient des animaux, publié chez l’Arche, est suivi par d’autres pièces qui achèvent de donner le ton pour finir sa lecture en apothéose grinçante de l’effondrement du monde. De quoi se resservir une tasse de thé pour y glisser un nuage de cynisme.
Du ciel tombaient des animaux et autres pièces, de Caryl Churchill, l’Arche éditeur
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