Herman Diephuis et la danse réflexe
Tremor and more est un solo orchestré comme une rencontre entre le chorégraphe néerlandais Herman Diephuis et le danseur brésilien Jorge Fereira. Seul en scène sensible et intime, ce court spectacle exprime, plus qu’une complicité artistique, une émancipation par le mouvement.
Se mettre à table
Une table blanche trône au centre d’une salle blanche. Il n’y a rien de domestique là-dedans, pas de chaises, aucun décor. Une table comme un support ou disons un socle sur laquelle s’appuie Jorge Fereira. Il en explore chaque côté comme pour trouver sa place dans cet espace presque clinique. Les lumières blanches, les discrets jeux d’intensité rappellent un lieu d’exposition. C’est un espace qui permet au spectateur de se projeter, d’être face au danseur, au plus près de l’action. Le moindre mouvement est mis en valeur dans ce cadre minimal et le danseur brésilien en prend son parti qui se lance dans une exploration du corps tout en soubresauts. Les danses s’hybrident ainsi tandis que l’interprète s’impose par sa manière à la fois douce et puissance d’être présent.
Plus fort que la musique ?
La musique de Pierre Boscheron est entêtante. Composée pour le spectacle, elle est au premier abord entrainante et légère jusqu’à en devenir invasive. Ce n’est pas seulement une question de volume mais aussi de rythme. Les règles de la danse ne sont pas tout à fait celles de la musique, même s’il y a des correspondances. Les impulsions musicales déclenchent ici des mouvements irrépressibles quand le danseur cherche la maîtrise du geste et se reprend toujours de la main. Pas un geste ne doit échapper à la conscience pour tendre à perfection et une lutte s’engage véritablement pour la maîtrise du corps entre soi et la musique. La répétition apparaît bientôt comme moyen d’être plus fort que la musique, de s’affirmer et de devancer son tempo. Jorge Fereira parvient ainsi entre résistance et lâcher prise à trouver une justesse dans cette pièce.
Herman Diephuis et le frisson du rythme
Herman Diephuis a su tenir compte de la personnalité de son interprète pour proposer une chorégraphie subtile. En jouant sur les couples d’oppositions grâce et ridicule, féminin et masculin, simple et complexe il a conçu un spectacle tout en équilibre. Véritable portrait de danseur en adolescent, Tremor and More a quelque chose de fragile et de beau qu’il est difficile de décrire. Jorge Fereiro monte sur la table, se réfugie dessous pour des moments très théâtraux. Il faut tour à tour voir la force et la faiblesse, un mouvement de tout le corps et un geste anodin. L’état de transe se vit comme une approche de la liberté ici, comme une conquête formidable. Un spectacle qui nous présente la danse comme un réflexe, salutaire.
Tremor and more
Conception, chorégraphie : Herman Diephuis
En collaboration avec et interprété par : Jorge Ferreira
Son : Pierre Boscheron
Lumière et régie générale : Sam Mary
Crédit photo : Karim Zeriahen
Vu au CND de Pantin à l’occasion des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
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