Théâtrorama

Intersum aux Hivernales

Intersum de Liam WarrenCette édition 2017 des Hivernales a choisi de mettre en valeur Liam Warren en reprenant pour ses affiches le visuel de son trio Intersum. Dans cette nouvelle création, le chorégraphe place ses danseurs au pied d’un escalier et éprouve la symbolique des marches de différentes manières.

Intervalle et espace

Relégué d’abord à un coin de la scène le grand escalier mobile n’en attire pas moins l’oeil. Éclairé de manière à en révéler autant les pleins que les vides l’objet scénique a quelque chose de vertigineux. Une danseuse sous les marches semble enfermée, des voiles permettent de jouer des épaisseurs et des intervalles. Liam Warren compose avec ce qui n’est pas corps, ce qui est absent et crée des attentes. Au haut des marches, il n’y a que la hauteur et le vide, de quoi évidemment mettre en place une symbolique. La chute est maintes fois esquissée, elle s’inscrit dans l’ordre du possible, devient inévitable. L’attention du spectateur est pourtant suspendue à une action qui n’arrivera jamais. C’est l’escalier qu’on met finalement à terre pour que le système reste en apparence au service des danseurs quand bien même il entrave leur déplacement.

La distance en tension

Les danseurs peinent à occuper l’espace autour de l’escalier comme s’ils étaient aliénés par sa présence même. On peut se faufiler entre les marches mais l’on n’échappe pas à cette hiérarchie de l’acier. On peut se demander à quel point le chorégraphe en a pris son parti. Une lecture sociale n’est pas impossible quand bien même Liam Warren préfère parler d’une dimension métaphysique ou de l’aspect esthétique. Les grilles laissent deviner les corps qui montent et descendent. Dans une sorte de chaîne, l’espace entre est important, les danseurs occupent l’escalier à tour de rôle comme une place forte. La montée est lente, prudente, la descente presque animale, brutale. Le contraste traduit quelque chose du désir et de la peur, le mécanisme lui imprime la marque de l’absurde à la fois grave et comique.

Rapport d’échelles et d’individus

Les danseurs tout d’abord considérés comme des individus distincts soumis à un même environnement et aux mêmes règles développent peu à peu des interactions. Quand l’un s’apprête à descendre, les deux autres lui tendent la main. Quand l’un est au sommet, les deux autres le rejoignent pour l’encadrer. Une complémentarité s’établit entre les interprètes qui densifie le spectacle. Les relations entre les danseurs qui pourraient encore être développées permettent de sortir du rapport écrasant à l’échelle. Intersum met en scène la rencontre de corps désorientés, pressé de quitter la terre, angoissé par le vide et finalement mal à l’aise dans l’entre deux. Le rapport au vide qui concentre les danseurs autour de l’escalier est inconfortable et si l’on sent que le chorégraphe pourrait encore aller plus loin dans sa démarche, le premier pas est franchi.

 

Intersum
Chorégraphie : Liam Warren
Interprétation : Jackson Carroll, Anna Chirescu, Patscharaporn Distakul
Musique : Jean-Philippe Barrios – a.k.a. lacrymoboy
Lumière : Cécile Giovansili-Vissière
Costumes : Patricia Pinzuti-Gintz
Dramaturgie : Laurent Hatat
Crédit photos: Yang Wang

Vu aux Hivernales

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