« Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke. » À répéter sans modération jusqu’à mémorisation.
Avec son nouveau spectacle, dont le titre – traduit en français – est « Le Chant de l’Amour et de la Mort du Cornette Christoph Rilke », Anne Teresa de Keersmaeker gâte les germanophones. Si sur scène, elle est accompagnée par deux danseurs, elle est la seule à parler.
D’un allemand fluide, percutant, elle récite ce poème de Rainer Maria Rilke, elle l’incarne. Elle conte la vie de ce porte-étendard, mais l’intrigue n’a que peu d’importance. On s’attache plus à la voix, aux mouvements. Comme son ombre, sa moitié, un homme suit la danseuse, la sublime, la défie. Souvent, leurs mouvements sont coordonnés ; parfois l’un des deux corps s’octroie un peu de liberté. La troisième silhouette – en talons et jean gris moulant – est quant à elle armée d’une flûte traversière. Elle en extirpe des sons, mais impossible de parler de mélodie. Elle reste toujours un peu à l’écart, comme imperméable à l’amour, à la fusion qui se dégage du couple.
Un décor minimaliste
On est loin de la chorégraphie pétulante sur du Bartók imaginée il y a plus d’une décennie et reprise récemment à l’Opéra de Paris, par des danseuses en robes noires et culottes blanches. Au Kaaitheater, pendant qu’une Anne Teresa de Keersmaeker en costume impersonnel – tee-shirt gris, pantalon bleu – déclame sa prose, le texte du poème est projeté derrière elle, en allemand, en néerlandais et en français. Il faut malheureusement être doté d’une vue parfaite pour espérer le déchiffrer. Ou une bonne compréhension de l’allemand. Mais la chorégraphe explique : « La tâche principale consistait en l’invention d’un langage où se combinent une logique du mouvement et une logique du texte. »
Qu’importe donc si certains mots incompris restent suspendus au milieu du décor minimaliste. L’important est ailleurs : dans les ronds de jambe ou dans la poussière qui jonche le sol et s’accroche jusqu’aux cheveux des danseurs. Au moment du salut, les trois artistes ont ce geste magnifique : ils dénouent les lacets ou les sangles de leurs chaussures et les placent sur le devant de la scène. Quelques secondes passent, et derrière les trois paires alignées s’affiche une photographie de la marche pour le climat. Une image qui réchauffe.
Mise en scène : Anne Teresa de Keersmaeker
Avec Anne Teresa de Keersmaeker, Michaël Pomero, Chryssi Dimitriou
Crédit photo : Anne Van Aerschot
Jusqu’au 6 décembre à 20h30 au Kaaitheater
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