Théâtrorama

La scène ressemble à une crypte sans fond – murs, plafonds, sols apparaissent et se confondent par séquences et jeux d’empreintes. Images de synthèse et formes sensibles, comme autant de nœuds qui s’amalgament et se désolidarisent, se prennent à brouiller perspectives et perceptions. « Pixel », nouvelle création de Mourad Merzouki, explore les possibilités infinies d’un langage qui s’articule depuis des gestes élémentaires, complexes, magnétiques.

Une enceinte couleur ocre, et quelques-uns qui marchent pour la pénétrer, au ralenti, presque à l’arrêt. Les premières notes obéissent à une cadence de crépitements d’âtre, ou de disque que l’on viendrait tout juste d’enclencher. Sur une surface imprécise, parsemée de points de veille, une fumée liquide s’étend tandis que les corps, prenant désormais part à un « univers impalpable », se mettent à bouger, tout d’abord dans des mouvements heurtés et contraints, puis fluides et balayés.

Il tiendra à chacun d’entre eux d’évoluer seuls et de se mêler aux autres, de devenir des éléments de ce milieu incertain et mouvant, décor-lisière tour à tour naturel ou fictif ; à chacun d’entre eux d’être des chaînons de réalité ou de rêve, à la fois à l’origine et au terme de nouvelles liaisons, à la fois créés et créateurs, gestes et moteurs. Comme s’ils entraient dans une parenthèse de temps, une faille, une nouvelle grotte à images impossibles, les danseurs deviennent des influences et des incidences sur toute surface qu’ils frôlent, touchent, ingèrent et libèrent.

Pixels : matières virtuelles et organiques
Les crépitements laissent alors place à des pulsations : « Pixel » interroge les intervalles et l’illimité d’une pause, ce qui se passe et se meut entre chaque fourmillement du monde, depuis des palpitations jusqu’à la simplicité d’une pluie, d’un pépiement d’oiseau ou d’un chant de femme, au tout dernier tableau. La trame appartient ainsi à toutes ces formes primaires qui se succèdent : carrés, losanges, cercles et nombres – tout ce qui structure de nouvelles constellations et de nouvelles propositions du monde, tangible ou onirique.

Les emprunts au hip hop et à l’art du cirque, chers à Mourad Merzouki, ainsi que les réseaux de lumière produits par la Compagnie Andrien M / Claire B, servent aux danseurs à s’extraire d’un brouillage essentiel. Ce qui importe est la façon dont l’homme dit et dira le monde, le modèle et est modelé par lui et comment lui-même et chaque élément contribuent à donner leur propre définition du monde.

Puisque tout mouvement, comme celui d’une aile de papillon, peut être à l’origine d’un effritement et d’un bouleversement, il faut franchir les barrières naturelles ou fantasmées du monde et apprivoiser ses reliefs inédits et irréels : (se) jouer des illusions, des projections et des flux, être particules, grains ou gouttes, comme (se) chercher des équilibres.

 

Pixel de Mourad Merzouki
Direction artistique et chorégraphique : Mourad Merzouki, ass. de Marjorie Hannoteaux
Création numérique : Adrien Mondot et Claire Bardainne
Création musicale : Armand Amar
Lumières : Yoann Tivoli, ass. de Nicolas Faucheux
Prod. CCN de Créteil et du Val-de-Marne / Compagnie Käfig
Crédit photo: Gilles Aguilar

Création dans le cadre du Festival Kalypso, du 15 au 22 novembre 2014, puis en tournée dans toute la France du 27 novembre 2014 au 21 mai 2015

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