Conversations mis en scène par Kris Verdonck
Plasticien et metteur en scène, Kris Verdonck a mis au point avec Conversations (at the end of the world) un dispositif qui lui permet de manifester le passage du temps. Une pièce qu’il présentait dans le cadre du programme New Settings de la Fondation d’entreprise Hermès comme un hommage au théâtre de l’absurde.
Un espace du temps
Une plage de temps qui s’étend à perte de vue, des dunes, un piano et cinq personnages comme posés sur la scène. Visuellement le plateau est très bien composé, chacun à sa place, figé dans diverses positions mais toujours un masque à portée de main. Lorsqu’ils se déplacent, toujours un par un, à la manière des pièces sur un jeu d’échec les performeurs entraînent avec eux des monts de sables, faisant et défaisant imperceptiblement le paysage sans pourtant laisser leur empreinte. Kris Verdonck joue de manière très littérale sur l’écoulement du temps. Le sable qui se renverse sur la scène dans un mouvement de sablier durant la deuxième moitié de la pièce a quelque chose de l’évidence et en même temps de remarquablement esthétique. On pense au décor d’Oh les Beaux jours de Beckett, la présence de la matière, l’épure d’un décor en chantier. L’ensevelissement des personnages est inexorable, absorbés par le sol dès le début et statiques durant presque tout le spectacle.
Le ton de la conversation
L’empreinte de Beckett est manifeste sur Conversations. Des personnages livrés à eux-mêmes entreprennent de tuer le temps (à moins que ce ne soit l’inverse) dans une parodie de société où ils se raccrochent au langage comme à un ultime témoignage d’humanité. C’est une situation qui tient de l’absurde, un argument qui tient à la vanité et a quelque chose de métaphysique. Aucun antagonisme ne trouble ici la scène, ni ne donne de couleur ou de relief à la pièce. Sur le ton de la conversation, sans un mot plus haut que l’autre, les performeurs s’efforcent d’être présent. Ils ne se répondent pas, ne s’écoutent pas et avancent l’un après l’autre sur les bords de l’abîme. Le travail du silence est remarquable, souligné par la musique, il est plus envahissant encore que la parole paradoxalement rare.
La fin du monde en toile de fond
Conversations ne pousse pas la question du langage aussi loin que Fin de Partie pouvait le faire. Les interactions sont minimales, on ne se prend pas à partie, pas plus qu’on ne se touche pris dans des bulles de paroles qui s’effleurent délicatement. Le tableau de Kris Verdonck semble un brin figé ; cette tentative de faire salon alors que le monde touche à sa fin a quelque chose de compassé. Les apparences, les personnages en costumes sont sauvés mais l’ennuie point toujours. Rien, ni les histoires, les blagues, les aphorismes ne peuvent sauver les personnages. L’humour, pour reprendre Chris Marker, résonne comme une politesse du désespoir tandis que la musique conserve l’élan d’une émotion. C’est bien le consensus qui règne à la manière d’une nouvelle fatalité qui précipite la fin du monde.
Concept et mise en scène : Kris Verdonck
Dramaturgie : Kristof Van Baarle
Performeurs : Jan Steen, Johan Leysen, Jeroen Van Der Ven, Marino Formenti, José Kuijpers
Assistante dramaturgie : Charlotte De Somviele
Conseil artistique : Piet Menu
Crédit photos: Kurt van der Elst
Vu au Théâtre de la Cité Internationale dans le cadre du programme New Settings de la Fondation d’entreprise Hermès
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