Théâtrorama

Camille Boitel et ses acolytes sèment la pagaille au Théâtre de la Cité internationale. Ils détournent les objets et narguent les lois de la pesanteur. Une drôle d’épopée chaotique.

La scène est pleine à craquer. Des tables cabossées, des armoires usées, des chaises démantibulées, un matelas décati, des bidons usagés… La liste de bricoles empilées jusqu’à ras-bord sur la scène n’en finit pas. Pas moyen de déplacer le petit doigt sans provoquer l’irréparable : la chute, la dégringolade. Car dans ce capharnaüm, tout se dérobe et s’effondre : des pans de murs (de carton) se décomposent, une table en bois se brise, des piles de petits riens s’écroulent… Autant dire que les comparses de Camille Boitel marchent sur des œufs. Leur temps, ces naufragés timides, ces maladroits incorrigibles le passent à fuir, à contourner les obstacles, à se rattraper aux meubles …. En somme, ils poursuivent un but improbable et incompréhensible. Mais étrangement, ils parviennent à emporter le public dans ce grand saut dans le vide. C’est futé, gonflé et drôle. Comme l’affirmait Claudel, « l’ordre est le plaisir de la raison, le désordre est le délice de l’imagination »…

Fourbi or not fourbi
immediat1Un jeune homme gracile, coiffé d’une longue chevelure noire et vêtu d’un pull rouge, cherche à se tirer d’affaire dans ce monde de ruines. Pris d’une frénésie convulsive, le désemparé se cache, s’enfonce dans les placards, se faufile…En vain. Puis, une femme sans histoire s’affaire à une table de bureau. D’un coup, elle perd pied prise par une poussée de lévitation. Son corps lui aussi se fait la malle. Le jeu, proche de la pantomime, est savoureux. Autre aventure rocambole, très cocasse, qui illustre la douce folie de ces loustics : un homme outrageusement fainéant peine à s’emparer d’une bouteille d’eau trônant sur la table. Son corps mou se traîne avec langueur vers l’objet de convoitise, perturbé en chemin par deux trublions assoiffés et intraitables… Pour faire tourner cet univers instable dans lequel corps et décor partent sans cesse à la renverse, chaque artiste déploie une énergie folle, jouant sur les ruptures de rythme. On déplace et on replace les objets. On tire des bouts de ficelles, on se dissimule derrière des panneaux noirs, on débarrasse illico presto le plancher (en cinq minutes chrono)… Ces monts de bricoles, on les fixe, les renverse, les détourne, les retourne.

Petites victoires dérisoires
Camille Boitel construit un monde renversé pour s’affranchir de l’ordre établi. L’ancien compagnon de route de James Thierrée (pendant quatre ans dans La Symphonie du hanneton) parvient à trouver son équilibre dans un déséquilibre permanent. Rien ne doit être calé, à sa place. Le confort, il s’en moque. L’imprévu, il s’en accommode. Au final, une dernière extravagance : le décor se met à chavirer dans une perspective en diagonale inattendue. Et Camille Boitel devient la marionnette bancale (au sens premier) de cette manipulation hallucinatoire.
Le jeune saltimbanque de 29 ans nous avait enthousiasmés avec son premier spectacle « L’Homme d’Hus ». Epaulé par ses six comparses, l’artiste a pris son temps (deux ans de recherche) pour construire L’Immédiat. Il a bien fait. Tout son petit monde y détourne habilement les objets, excelle dans l’art du clown et maîtrise à merveille l’art de la chute et du rattrapage. Ces personnages en marge s’enracinent dans l’instant présent, savourant le besoin urgent et suprême d’être sur scène. Ils traquent l’immédiat, parsemé d’erreurs et de vertiges, pour mieux s’alléger de la pesanteur des choses.

[slider title= »INFORMATIONS & DETAILS »] L’immédiat (site web)
De Camille Boitel
Théâtre de la Cité internationale : 17 Bd. Jourdan 75014 Paris
Jusqu’au 31 janvier 2010.

Avec sur scène :Marine Broise, Aldo Thomas, Pascal le Corre, Camille Boitel, Jérémie Garry, Jacques-Benoît Dardant
Construction : Benoît Fincker (et lumière) Thomas de Broissia, Martin Gautron,Martine Staerk

Vendredi, samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30 ; dimanche à 17h30.
Réservations 01 43 13 50 50. Prix : 21 € ; 14 € et 10 €
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