Théâtrorama

François Delaroziere : Bestiaire, machines et ornements

Directeur de la compagnie du théâtre de rue La Machine qu’il a fondée en 1999, le scénographe et metteur en scène François Delaroziere rassemble dans un grand format publié en coédition Actes Sud / Compagnie La Machine les dessins et croquis préparatoires aux créations de ses spectacles. Ceux-ci contribuent à faire de lui, qui interroge depuis plusieurs dizaines d’années la ligne ininterrompue entre le théâtre et l’architecture, un formidable concepteur de rêves et créateur de demain.

« Construire un objet en mouvement, c’est créer une architecture vivante. Le mouvement est l’expression de la vie. » Le travail de François Delaroziere est un fil conduisant du transport des objets et des lieux à celui des corps, et inversement. S’appuyant sur une trinité créatrice qui repose sur la mise en relation de l’homme, de la machine et du mouvement, le travail de l’artiste passe par toutes les formes d’art (danse, musique, voix) pour métamorphoser, par des jeux d’apparitions, l’espace public en espace scénique. Un réseau s’ouvre ainsi librement aux performances les plus inattendues : par sa main, l’homme recréé, actionne et met la machine en mouvement ; par d’infinies manipulations, il donne ainsi souffle à une matière prétendument inanimée.

Pour concevoir son bestiaire, ses machines et ses ornements, François Delaroziere puise dans la mythologie et dans les légendes antiques et universelles, c’est-à-dire dans toute l’abondance d’un patrimoine collectif et immatériel, le sel et les contours qu’il confie ensuite à ses propres sculptures. En passeur de richesses imaginaires avec lesquelles il ne cesse de dialoguer, il porte alors aux yeux de tous la somptuosité et les innombrables détails de ses créatures qu’il rend vivantes, faisant des spectateurs de tout âge ses complices, et les acteurs d’une œuvre à chaque fois unique et partagée.

Des machines et des hommes

Petit-fils d’une peintre-tapissière et d’un urbaniste, fils d’un bricoleur de grand talent et d’une musicienne poly-instrumentiste, François Delaroziere a très tôt nourri une passion pour l’objet et ses représentations et pour le caractère intemporel de l’art. À vingt ans, après une solide formation aux Beaux-Arts, il met en pratique ses études d’arts plastiques en rejoignant la compagnie Royal de Luxe d’Aix-en-Provence, où le spectacle de rue devient une voie d’accès privilégiée à la recherche d’un langage artistique fertile et personnel. Une quinzaine d’années plus tard, il fonde La Machine avec un collectif d’artistes, de techniciens et de décorateurs, dont les ateliers sont aujourd’hui installés à Nantes et à Tournefeuille.

S’il avoue avoir conservé de son enfance auprès d’artistes et d’artisans une « ambiance où tout est possible », il a également glané dans les paysages de sa terre natale, le Sud de la France, un goût certain et un attachement profond pour la nature et ses éléments, pour le sauvage et l’artificiel, pour la place de l’homme fondu dans le décor, ou décroché du tableau. Son œil s’est donc exercé en même temps que sa main, la seconde permettant les bascules concrètes que son esprit ne pouvait que projeter. François Delaroziere prend les pinceaux et les crayons après la plume, s’inspire de livres, de poésie, de toiles réelles. Il esquisse, ébauche et croque sans relâche afin de « laisser une trace précise » et brute de ses futures manifestations sensibles : « J’aime qu’on voie l’intérieur des machines, l’architecture, les rouages, les poulies, qu’on ressente comment c’est fait. »

Ses dessins, réalisés depuis les années 1980 à la mine fine et en niveaux de gris, sans couleur et sans aucune retouche, montrent au fur et à mesure des formes et des études, des perspectives et des échelles, le mouvement en tant qu’« incarnation de la vie ». Les motifs récurrents de ses spectacles se rejoignent sur le papier, révélant une grande cohérence d’ensemble, des animaux terrestres – araignées, grenouilles, varans, loutres… – aux animaux marins, de coupes anatomiques aux armures de géants, de crayonnés du monde végétal – plantes, arbres – jusqu’à ceux du monde minéral et d’ornements de structures colossales. On reconnaît çà et là l’influence de grands maîtres, la précision d’un de Vinci, la fulgurance d’un Delacroix. Et l’on suit tous ces traits qui paraissent eux aussi vouloir s’émanciper des planches pour constituer l’essence et l’éclat d’un « rêve éveillé ».

François Delaroziere. Bestiaire, machines et ornements
Coédition Actes Sud / Compagnie La Machine – édition bilingue français-anglais
80 pages, plus de 100 dessins, 25 euros
Parution le 15 décembre 2015
La présentation de l’éditeur 
Prochains spectacles et actualités de la Compagnie La Machine 

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