Théâtrorama

Publier du théâtre par les temps qui courent ? Il faut être un peu fou ou complètement passionné. Patrick Avalle est certainement un peu des deux. Quand il a repris les éditions Art et Comédie en 1996, le chiffre d’affaires piquait vers le bas. Il aura fallu un travail en amont, de monsieur Avalle, pour remettre la maison d’édition à flot et lui faire prendre la bonne vague.

Comment est né Art et Comédie ?
Les éditions Art et Comédie ont été crées en 1952 par Monsieur Pierre Thareau, qui travaillait beaucoup pour la radio à l’époque. Il avait écrit quelques pièces de théâtre et se faisait éditer par la Librairie Théâtrale et l’Amical. Il s’est rendu compte que pour avoir une meilleure diffusion, il avait tout intérêt de le faire lui-même. Il a donc créé sa maison d’édition pour éditer ses propres pièces. Son fils a pris la suite et Art et Comédie est devenu principalement un lieu d’édition de la famille. En 1996, Jacques Thareau, n’ayant pas de successeur, a cherché à vendre la maison d’édition que j’ai rachetée.

Quelles sont les différentes collections d’Art et Comédie ?
Art et Comédie publiait au départ essentiellement des comédies familiales, à destination du théâtre amateur de province. J’ai voulu introduire du théâtre plus sophistiqué et donc plus professionnel. Ça a posé un problème vis-à-vis des lecteurs mais aussi des auteurs. Les lecteurs se disaient qu’Art et Comédie était devenu trop intello et que ça n’était plus pour eux. Et les auteurs, a contrario, pensaient qu’Art et Comédie était réservé aux comédies, à destination des amateurs. On a donc créé des collections pour bien séparer les genres. Tout d’abord Côté Scène, élaboré par des auteurs professionnels ou joué par des professionnels. Côté Jardin, réservé au théâtre familial et populaire, pour le théâtre amateur. Rattaché à Côté Jardin, nous avons conçu également Côté Humour, qui ne publie que des sketches. Pour finir, nous avons pensé aux plus petits avec Côté Cour qui est du théâtre pour les enfants, joué par les enfants et non pas par les adultes. Après avoir imaginé ces quatre collections, nous avions encore un problème de crédibilité vis-à-vis des auteurs. Nous avons donc créé une autre maison d’édition, L’œil du Prince, où nous sommes beaucoup plus exigeants sur les titres.

Patrick AvalleCombien de pièces recevez-vous en moyenne tous les ans ?
Environ 400 par an et je les lis toutes ! Je demande conseil quand certaines me paraissent avoir quelque chose. Un comité de lecture me permet de prendre une décision.

Et combien en publiez-vous ?
Nous avons un quota préétabli de 62 pièces par an. L’Oeil du prince publie une pièce par mois soit douze par an. Art et Comédie fait paraître vingt pièces Côté Jardin, vingt pour Côté Scène et dix pour Côté Cour sans oublier 3 recueils de sketches pour le côté Humour.

Comment se passe la sélection des pièces ?
Il y a deux critères fondamentaux qui sont la qualité et le côté commercial. Les pièces à visée commerciale nous permettent de gagner de l’argent pour nous offrir la possibilité de publier des pièces, qui sont certes moins commerciales, mais qui ont retenu notre attention. J’essaie de faire les bons choix pour trouver le juste équilibre.

Quel est le profil des auteurs ?
Sans parler des auteurs joués par les professionnels, beaucoup d’auteurs ont leur troupe de théâtre amateur et écrivent leur propre pièce parce qu’ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent. Il y a aussi des auteurs qui, tous les ans, écrivent une pièce et me l’envoient. Sans parler de ceux qui vont avoir l’idée de génie et qui vont écrire la pièce de leur vie.

Qu’est ce qui accroche votre attention quand vous découvrez une pièce ?
Outre l’aspect littéraire, l’aspect commercial retient évidemment mon attention. Je sais en lisant si la pièce est susceptible de marcher ou pas. Il y a certains critères à respecter pour être publié plus facilement. La durée a son importance, le genre de la pièce, qui peut s’inscrire dans les différentes collections, le nombre de personnages, sachant que l’idéal est d’avoir une majorité féminine, le théâtre amateur étant joué davantage par les femmes. Ce sont pour les auteurs des points de détail, mais ce sont ces détails qui font pencher la balance vers la publication.

Quels sont les lecteurs d’Art et Comédie ?
Les lecteurs sont très variés. Nos clients font essentiellement partie du théâtre amateur. Ils achètent une pièce parce qu’ils désirent la monter. On n’achète plus de théâtre pour le plaisir, juste pour le lire, mais parce qu’on a besoin de pièces qui doivent correspondre à certains critères précis pour être jouées.

Qu’est ce que vous pensez de l’évolution du théâtre à Paris ?
En ce moment avec la crise, le théâtre ne se porte pas forcément très bien. Il fait partie des loisirs, cher de surcroît. Ce n’est plus la priorité des gens, à l’heure où il faut économiser sur tout, de se rendre au théâtre ou d’acheter des pièces. Les salles se désertifient. En revanche le théâtre amateur reste toujours dynamique. C’est un plaisir qui ne coûte pas trop d’argent. Côté évolution, on peut observer, de plus en plus, l’abandon du théâtre de boulevard qui durait 2h. On se dirige plus vers le café théâtre, plus court, plus dynamique et plus facile à monter. Aujourd’hui, 80% des pièces de théâtre qui sont jouées à Paris ne sont pas éditées. Bien sûr, on vend toujours les nanards du théâtre, avec un humour dépassé, mais ce n’est plus la majorité.

Et l’apparition des maisons d’édition sur Internet ? C’est la mort des éditions traditionnelles ?
Il ne faut pas se faire d’illusion. Dans 10 ans, les maisons d’édition traditionnelles n’existeront plus. Internet va tuer le marché. Une fois que vous avez téléchargé votre texte, vous n’avez plus qu’à le transférer à votre entourage. Il faut essayer d’anticiper. Ça serait peut-être une idée de mettre les vieux textes sur Internet et de garder l’exclusivité des nouveautés pendant deux ou trois ans.

Est-ce que vous travaillez en synergie avec les salles de théâtre, les associations ?
Les théâtres, non. Ils se moquent éperdument des éditeurs. Ça ne leur rapporte rien. Concernant les associations, on essaie de rester en contact, mais ça n’est pas toujours facile.


  1. « comédies familiales, à destination du théâtre amateur de province »
    Oui parce qu’à Paris on est trop snobs pour rire léger… Rah lala…

    SL / Répondre

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