Zoom sur Les Hivernales avec Isabelle Martin-Bridot
Dans les premiers jours de la 40ème édition, la directrice artistique des Hivernales, Isabelle Martin-Bridot nous présente sa programmation et revient sur les défis passés et à venir du festival de danse avignonnais.
Les Hivernales fêtent cette année leurs 40 ans : est-ce une édition spéciale pour vous en terme de programmation ?
Isabelle Martin-Bridot : Il s’agit en effet d’une édition un peu particulière puisqu’elle permet de revenir sur 40 ans de danse contemporaine en France. Mais nous n’avons pas voulu pour autant tomber dans la nostalgie. Au delà de l’aspect historique, cette anniversaire est aussi placé sous le signe de la transmission. La présence de Daniel Larrieu est à ce titre emblématique, non seulement parce qu’il a été un des invités réguliers du festival, avec des créations fortes, mais aussi parce qu’il prépare l’avenir. En même temps qu’il ancre la création dans le présent, avec sa nouvelle pièce Littéral, il réactive le solo Emmy (créé en 1993) en en faisant l’objet d’une transmission à un jeune danseur de 20 ans.
Daniel Larrieu est un guide idéal pour cette traversée de l’histoire et c’est aussi pour cela que nous lui laisserons la parole lors d’une soirée dédiée. Il fait partie d’une génération qui a su prendre sa place dans l’histoire et je pense également à Maguy Marin qui présentera son spectacle 2017. Nous suivons des artistes dans le temps, nous perpétuons une mémoire. Antoine le Ménestrel qui a déjà dû escaladé toutes les façades d’Avignon nous revient cette année avec un hommage à Trisha Brown qui entre les toits et les murs promet d’être vertigineux. Mais tout cela pour mieux préparer le futur ; nous ouvrons d’ailleurs le 24 février la semaine officielle avec de jeunes chorégraphes.
Antoine le Ménestrel que vous évoquez mais également d’autres danseurs vont occuper Avignon, ses façades, ses rues et ses bâtiments publics. Comment envisagez vous la relation des Hivernales avec la ville ?
Isabelle Martin-Bridot : Il y a en effet pour Les Hivernales le défi d’un lieu puisque le CDC doit trouver dans les deux prochaines années un autre espace que celui qu’il occupe actuellement. La structure est bien implantée à Avignon, nous portons l’un des plus anciens festivals de danse mais il nous faut sans cesse réfléchir à d’autres moyens de développer le public. Alors nous proposons de plus en plus de créations hors des plateaux, nous ouvrons les espaces urbains et créons d’autres temps d’échanges. Développer une convivialité est important et pour les compagnies invitées et pour le public qui peuvent échanger autrement comme lors de bals chorégraphiques.
D’une semaine à Avignon à presque un mois de programmation, le festival se développe aussi aux alentours …
Isabelle Martin-Bridot : Au delà d’Avignon, nous avons tissé des liens à travers le Vaucluse avec différents partenaires. C’est une façon de présenter nos artistes associés dans diverses structures culturelles mais aussi de poursuivre notre mission de sensibilisation du public et de créer d’autres dynamiques.

Pouvez-vous revenir justement sur la contribution de ces artistes associés à cette édition ?
Isabelle Martin-Bridot : En amont du festival, les artistes que nous accueillons à Avignon ont su créé un lien avec le territoire au delà des rencontres et de leur présence sur le plateau. Un chorégraphe comme Sylvain Bouillet, qui travaillait sur sa création Les gestes blancs autour de la paternité, a ainsi organisé des ateliers père-enfant pour s’enrichir du regard d’autres pères. Toujours sous le signe de la transmission, le geste devient un enjeu familial. Il est important pour nous d’accompagner les artistes mais aussi de sensibiliser de nouveaux publics et quand nous pouvons être à ces deux endroits là en même temps, c’est magique.

L’angle de la mémoire a aussi pu être abordé par le biais d’ateliers coordonnée par Lydie Toran avec un travail sur la notion de traces avec les étudiants du pôle performance des Beaux-Arts d’Avignon et ceux du pôle sportif de l’université. La présentation publique de ce travail, dont l’idée est venue d’Audrey Abonen,a rassemblé une trentaine de personnes sur le plateau. Une manière de faire éprouver autrement le travail de la danse et de former physiquement l’attention des spectateurs.
La thématique de la mémoire et de la transmission est donc centrale jusque dans la reprise de La mécanique de l’Histoire, une tentative d’approche d’un point de suspension. La pièce de Yoann Bourgeois commandé par le Centre National des Monuments historiques posait en effet la question d’une transmission vivante d’un patrimoine matériel.
Isabelle Martin-Bridot : Quand on construit une programmation, on est conscient de certaines thématiques conductrices mais on est toujours surpris de voir des liens apparaitre au fur et à mesure. Je parle aussi du vertige quand je présente la programmation. Vertige chez Yoann Bourgeois qui mêle cirque et danse contemporaine mais aussi chez Liam Warren qui parle d’envol et de chute au travers de ses prises de risque.
Ce vertige caractérise un présent par rapport à une histoire déjà longue et un futur incertain. Il nous faut prendre de l’élan et cet enjeu d’avenir me semble encore une fois bien saisi par Yoann Bourgeois. Il me semble qu’il s’émancipe du spectaculaire dans la façon dont il s’empare de la question de la suspension. Il en fait un objet philosophique qui peut répondre à des questions d’actualité. Il y a dans cette création la possibilité de séduire des jeunes mais au delà de parler à tous et par conséquent de fédérer un public.
À l’image de la programmation de ces 40ème Hivernales donc !
Festival Les Hivernales
Les Hivernales, CDCN d’Avignon
Du 2 février au 3 mars 2018
Le programme en ligne
Crédit photo: Littéral – Larrieu © Benjamin Favrat
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