Robert Lamoureux a séduit Margaux Palluet
Diable d’homme de Robert Lamoureux adapté par la compagnie One Acte, dirigée par Margaux Palluet. Metteure en scène et comédienne, Margaux Palluet revient sur son envie de monter ce texte, qu’elle a modernisé pour l’occasion.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter ce texte de Robert Lamoureux ?
Margaux Palluet : Une réponse simple, pour un moment grave et douloureux… 2014…2015… 2016… Et même avant, hélas … Notre belle France est touchée par de terribles attentats orchestrés par une organisation terroriste (non… nous ne la citerons pas…) la plus meurtrière dans le monde. Elle tue par centaine des innocents, met les hommes à genoux, et nous aussi… Les entrailles de la liberté, de la vie, et de la culture sont touchées ! Le pays est en deuil, nous ne rions plus de rien, ou presque plus…
Début 2015, la Cie One Acte, est en pleine réflexion quant à l’élaboration d’un nouveau projet théâtral.
Elle se met alors en tête de réagir à sa façon : utiliser la dérision et la puissance du rire. Autour de la table de lecture, ce sont neuf comédiens, qui réfléchissent à apporter au public, de la bienveillance, de la légèreté, de l’apaisement dans les mots… et de l’ironie bien sûr ! Nous retenons un parti pris bien légitime : celui de faire rire. Une comédie intelligente, où s’affronteraient l’humour à vif et la diablerie bien cruelle de l’existence…Nous cherchons à travers différents auteurs, celui qui pourrait répondre à ce souhait. Et c’est avec évidence que nous nous sommes arrêtés sur Robert Lamoureux et son Diable d’homme… Pour moi, c’était aussi un défi que d’aborder la comédie, plus attirée par les pièces dramatiques que par le rire… Je n’ai aujourd’hui aucun regret de l’avoir fait, bien au contraire.
Comment l’avez-vous adapté ?
Margaux Palluet : Si le thème de la pièce de Robert Lamoureux restait plus que jamais d’actualité, (la lutte des femmes et leur place dans la société, le pouvoir des hommes, la diabolisation des individus…) il méritait cependant d’être modernisé. Le texte original date de 1980. Depuis, beaucoup de choses se sont passées, la société a évolué, les minorités se sont affirmées, et « les femmes ne sont pas dupes ».
C’est donc avec une pensée ouverte sur le monde d’aujourd’hui, que je l’ai réadapté. Tout en respectant le texte de l’auteur, je me suis appliquée à y apporter d’autres messages essentiels, afin d’animer les consciences de chacun, et confirmer que le rire est la meilleure des méditations. Cette pièce de théâtre est réjouissante et d’une réalité absolue qu’il faut venir voir pour mieux la découvrir, ou la redécouvrir.
Pourquoi avoir décidé de jouer également dans la pièce ?
Margaux Palluet : À vous dire la vérité, je ne pensais pas « jouer » au départ de ce projet. Je voulais plutôt m’attarder sur la maîtrise de la mise en scène et la direction d’acteurs, élaborer une scénographie pertinente en collaboration avec Juliane Flavius, qui travaille avec moi depuis quelques années, et m’occuper de l’ensemble technique de la pièce… Mais le destin en a décidé autrement… ou plutôt la suggestion discrète mais qui semblait évidente par l’un de mes partenaires acteurs, Emmanuel Ménard. En réalisant la distribution des rôles, je cherchais alors l’actrice pour interpréter Gilberte Soindon, personnage clé de la pièce, à l’extérieur de la Compagnie. Et d’une pensée bien agile comme il sait si bien le faire, il me soumet que je pourrais la jouer cette Gilberte Soindon. Me persuadant même que ce rôle était fait pour moi… J’ai souri… puis j’ai réfléchi une quinzaine de jours… Il est vrai qu’il y a deux femmes en une dans ce rôle… une vielle fille se transformant en working girl. « C’est tentant » comme dirait Satan dans la pièce… N’étant pas diabolique pour autant, mais quand même comédienne, le défi du personnage m’a attiré. J’ai dit oui.
Comment avez-vous travaillé avec les comédiens ?
Margaux Palluet : J’ai d’abord fait un travail avec les comédiens, sur l’auteur et sur chacun des personnages. Ils sont neufs. Une analyse profonde, pour bien comprendre ou allaient ces personnages. Qui sont ces hommes et ces femmes dans la pièce, que font-ils, quelle vie ont-ils ? Ont-ils des destins particuliers, des rêves, des attentes ? Dans un premier temps, essayer de les comprendre pour mieux les apprivoiser. Chacun des comédiens donnant sa patte personnelle à son jeu, il fallait que tous, nous nous trouvions en accord avec nos personnages et ceux qui nous entourent.
Puis mon rôle de direction d’acteurs prenant le pas, j’ai guidé chacun d’entre eux, dans la direction que je souhaitais… Jouer comme on est dans la vie, sans caricature, mais en gardant le sens de la comédie. Je travaille beaucoup au ressenti de l’instant, mon instinct m’accompagne partout, même si je prépare énormément de choses. C’est en regardant, écoutant, observant les comédiens, que j’arrive à développer et mes idées, et mes attentes du théâtre. J’aime tellement ça que je peux passer des heures à les guider pour les emmener là où je veux aller. C’est réjouissant, car le résultat final est souvent troublant pour moi.
Quel angle avez-vous voulu faire passer dans votre mise en scène ?
Margaux Palluet : Un angle plutôt moderne, drôle, et original, mais en laissant une bonne part au mystère du livre. Je m’explique. Dans cette pièce s’écrit un roman. Dans ce roman il y a des personnages qui prennent vie au court des pages qui s’écrivent… La place du livre est donc importante. La scène est coupée en deux : d’un côté le romancier qui joue directement sur son livre, (il est à une hauteur de 1,20m du sol) de l’autre, les personnages qui vivent ce que l’écrivain écrit… un bureau de recrutement ou il se passe les choses de la vie, mais pas que… Dès lors que le public rentre dans la salle, il est lui même acteur du roman sans le savoir. Mais de quel côté est-il ? Du côté diabolique ou du côté des femmes qui sont dans l’histoire ? Le livre est partout… Et ce livre « lumineux » (il l’est vraiment) que les personnages tiennent régulièrement dans leur main et devant le public, est le témoin de leur histoire…
Puis ce second angle que j’aime aussi beaucoup, c’est l’intensité de la musique. Le jazz. Elle habille la musique ! Elle fait rêver, elle amuse, elle ensorcelle aussi. la musique. J’aime la musique autant que le théâtre. Alors J’essaye d’accompagner le public en voyage avec des choix musicaux qui font aussi ma mise en scène.
Quels sont les projets de la compagnie ?
Margaux Palluet : Cette compagnie que je dirige depuis une dizaine d’années a pour vocation de monter des projets sans contrainte de temps (même s’il faut le maitriser) mais avec l’idée que le théâtre non
professionnel doit aussi être puissant que s’il l’était. Je crée donc des spectacles parce que je suis une amoureuse du théâtre, à mon rythme et sans obligation. Ce « Diable d’homme » a mis deux ans à voir le jour, tant j’attendais un résultat parfait et une maitrise du sujet. Deux ans, c’est long à porter… Je vais donc me reposer pour un bon moment. Avant, nous jouerons le weekend du 5 et 6 novembre à Montargis au théâtre du Tivoli pour l’association IMANIS (fondation Abbé Pierre). Puis je verrai là où « demain » me mène, au grès de mes envies, d’une rencontre, d’un échange ou d’une demande… Je suis libre, comme toujours…
Diable d’homme, de Robert Lamoureux au Centre culturel Jean Dame, les 21, 22 et 23 octobre. Infos et réservations sur le site de la compagnie
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