Théâtrorama

Né au Caire, en Egypte, en 1953, dans une famille aux origines multiples, l’itinéraire artistique d’Adel Hakim a été forgé par les rencontres. Nourri dès l’enfance par les saveurs des cuisines et des langues diverses, il crée aujourd’hui un « théâtre-monde » qui, d’une mise en scène à l’autre, nous permet de le trouver là où on ne l’attend pas. Actuellement co-directeur du Studio Casanova (avec Elisabeth Chailloux) à Ivry Sur Seine en région parisienne, il prendra en 2017, dans cette même ville, la direction de La Manufacture des Oeillets.

Comment êtes-vous arrivé en France et qu’est ce qui vous a conduit au théâtre ?

30 oct 2015-Théâtre Antoine Vitez-Filage photo
La Double inconstance – photo: Nabil Boutros

A.H. : J’ai vécu en Égypte jusqu’en 1964, puis ma famille s’est installée au Liban alors que j’avais 11 ans. Toute ma scolarité s’est déroulée en français chez les Frères des Ecoles Chrétiennes. Je suis arrivé à Paris à l’âge de 18 ans pour passer les concours d’écoles d’ingénieurs au Lycée St Louis. Pas très intéressé, j’ai fini par traverser le Boulevard St Michel pour m’inscrire en face en prépa HEC au Lycée Henri IV ! A HEC, je commence à faire du théâtre et, en parallèle, je mène des études de philosophie. J’obtiens un doctorat de philo et à cette époque pour moi, le théâtre m’a intéressé parce que c’était un domaine de recherches. Encore aujourd’hui, chaque mise en scène représente toujours un domaine de recherche. Il ne s’agit pas de décrire seulement de l’intime, mais de s’interroger sur notre rapport au monde. Tendre un miroir du monde est selon moi une absolue nécessité pour faire du théâtre.

Depuis quelques années, le cadre s’est élargi et vous avez travaillé avec des gens très différents, du Yémen au Kirghizistan, de l’Afrique à l’Amérique du Sud. On peut dire que vous faites un théâtre-monde…
A.H. : Cela a commencé souvent par des invitations pour mener des stages avec des comédiens dans les pays concernés, puis les projets sont nés, rejoignant en cela mon idée de théâtre du monde. Chaque expérience a été pour moi pleine d’enseignements. Par exemple, quand j’ai monté « Le malade imaginaire » au Yémen, au départ les actrices étaient voilées, puis elles ont enlevé le voile et ont joué ainsi face à un public d’hommes et de femmes en burqa. C’était une aventure incroyable, je n’ai pas changé un mot du texte, mais le contexte de la représentation changeait totalement l’approche de Molière. Concernant la Palestine, c’est un pays qui fait partie de moi. J’avais 14 ans et j’habitais au Liban lorsque la guerre a éclaté en 67. J’ai vécu l’enchaînement des faits de l’intérieur et j’ai vécu au milieu des Palestiniens jusqu’en 74. Donc pour moi, monter « Antigone » de Sophocle ou plus récemment à Jérusalem Est et à Ramallah « Des roses et du jasmin », une pièce que j’ai écrite, et qui sera programmée en 2017 lorsque la Manufacture des Oeillets sera ouverte à Ivry, est une façon de revenir vers mes racines. Les pièces que j’ai montées en Amérique du Sud sont très proches de ma vision politique et esthétique. Le théâtre européen me paraît quelquefois conventionnel alors que le théâtre latino-américain parle davantage à l’imaginaire tout en étant fortement ancré dans le réel.

Aujourd’hui que représente le théâtre pour vous ?
A.H. : Je fais du théâtre depuis près de 40 ans et je constate qu’on n’arrête jamais d’apprendre. J’aime beaucoup travailler avec de jeunes acteurs. Ce qui me passionne avec eux, c’est leur vision du monde et ils le traduisent avec beaucoup d’énergie et de beauté. Les nouvelles générations n’ont pas, me semble-t-il, la même conscience politique que nous avions dans les années 60-70, ils ont une vision du théâtre plutôt tournée vers l’esthétique, la forme et la performance. Je suis à l’âge de la transmission et ce que j’essaie de transmettre à ces jeunes générations d’acteurs, c’est avant tout une vision très politique du théâtre.

L’article de Dany Toubiana sur La Double inconstance, mis en scène par Adel Hakim

Plus d’infos : Théâtre Quartiers d’Ivry

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